Peinture / La galerie Descours consacre une exposition monographique au peintre méconnu Pierre De Maria, et à son univers atypique peuplé de "monstres" mi-organiques mi-mécaniques.
Fils unique issu d'une famille très fortunée, Pierre De Maria (1896-1984) coule une enfance tranquille à Paris. Les De Maria possèdent l'une des rares industries produisant des appareils d'optique pour la photographie et la cinématographie.
À dix-huit ans, la fleur au fusil, il s'engage dans l'armée et est envoyé au front comme artilleur. Il traversera la Première guerre mondiale sans blessure, mais non sans trauma psychique : « Je me suis engagé en 1914 par goût du spectacle rare. Celui-ci fut long et atroce mais j'ai appris l'amour des paysages calcinés, des monstres de fer et d'acier crachant du feu » déclare-t-il dans un entretien en 1980.
Le monde industriel, la guerre et ses machines à tuer marqueront durablement Pierre De Maria et trouveront bientôt une place essentielle dans son œuvre picturale.
À l'ombre des surréalistes
Au retour du front, Pierre De Maria travaille comme peintre décorateur, retrouve sa vie de dandy, se lie d'amitié avec Henri-Pierre Roché, l'auteur du roman Jules et Jim. Il fréquente aussi les surréalistes, sans adhérer au mouvement. Ses premières toiles des années 1930 et 1940 s'inspireront fortement des univers plastiques de Salvador Dali et Yves Tanguy.
À parti de 1933, Pierre De Maria change de métier et se lance comme reporter pour le magazine Vu et l'hebdomadaire Marianne. Il voyage beaucoup, rencontre le cinéaste russe Eisenstein, écrit quelques chansons à l'occasion, avant de s'installer à Nice en 1953. Là, sa peinture est défendue par la galeriste parisienne Iris Clert et l'artiste présentera plusieurs expositions avec, pour apogée en 1980, une rétrospective à Marseille.
Depuis, aucune exposition personnelle n'avait été consacrée à Pierre De Maria, dont l'œuvre restée confidentielle est remise au jour à la galerie Descours.
Machines folles
L'accrochage est chronologique, des premières toiles proches de Tanguy au basculement ensuite, autour des années 1950, dans un univers propre au peintre : celui de "monstres" organico-machiniques. Avec précision dans le trait et les modelés, Pierre De Maria invente un bestiaire obsessionnel où l'homme, l'animal et la machine s'entremêlent, sur fond de paysages désertiques.
On dirait qu'il invente sous nos yeux des motifs propres à la science-fiction, mais ses influences sont ailleurs : ses expériences personnelles, sa vision critique du progrès technologique, et aussi des artistes tels que Jérôme Bosch, Pieter Brueghel, ou même Paolo Uccello... Des peintres de la Renaissance, époque où la raison humaine s'affronte à la folie de mondes inconnus, proches et lointains.
Il y a de l'humour dans les toiles de l'artiste (La machine à saler les héros, en 1956), de l'érotisme aussi (Mécanorgasme en 1955, Le Couple 2 de 1965)... Les machines délirent, s'accouplent, jouissent, se battent... Et l'on en aurait presque oublié toute figure humaine jusqu'à ce que, tardivement, le peintre dérive dans les années 1970 vers des "têtes éclatées" (étonnants portraits !) et une palette plus claire.
Pierre De Maria, Figuratif de l'imaginaire
À la galerie Michel Descours jusqu'au 17 juin
Lancement du n°9 de la revue Initiales consacré à Pierre Klossowski
À la Galerie Michel Descours le mercredi 12 avril à 19h
Repères
1896 : Naissance à Paris
1914-1918 : Engagé volontaire dans l'artillerie
1933 : Devient journaliste pour Vu et Marianne
1953 : S'installe à Nice
1964 : Rencontre la galeriste parisienne Iris Clert, avec qui il travaillera jusqu'en 1972
1980 : Rétrospective à Marseille
1984 : Mort de l'artiste à Orléans