Humour / Avec ce spectacle en forme de florilège des précédents, l'humoriste algérien prouve qu'il n'a rien perdu de sa superbe.
C'est l'histoire d'un spectacle recomposé à partir d'anciens. Mais ce n'est pas une facilité, plutôt un constat : la réalité accrédite malheureusement ce que Fellag livre depuis plus de vingt ans dans ses seul-en-scène. Dans Bled Runner, il y a cette scène d'un attentat à la valise piégée, écrite pour Petits chocs des civilisations en 2011 : on jurerait que c'est plus récent...
En remontant à son enfance dans les années 1950, l'Algérois trace ainsi, l'air de rien, une histoire française sur ce sujet encore si crispant, comme l'attestent les vives réactions ayant fait suite aux propos d'Emmanuel Macron, alors en campagne, qualifiant cette colonisation de crime contre l'humanité. Fellag choisit le terrain du saltimbanque, évoque les femmes « qui sentent l'huile d'olive et la menthe » et se moque du ramadan « qui rend livide et agressif » sans que jamais ce ne soit un potentiel sujet de discorde. Au contraire : il fait œuvre de pacification, grâce à une forme d'humour et surtout de tendresse pour ces deux pays qui sont les siens.
La langue est au cœur de son propos. Celles qu'il a apprises enfant : l'arabe bien sûr, le kabyle que l'on entend par bribes ici sans qu'il ne prenne la peine (et c'est bien ainsi) de le traduire ; mais aussi le français qu'il a connu via ces soldats qui défonçaient les portes à grands coups de godasses en criant « Raus ! » (imitant alors les occupants allemands de la Deuxième guerre mondiale) ou par la radio, « le deuxième objet moderne après la gégène. »
De manière chronologique, en n'éludant pas l'indépendance ni la violence du GIA et du FIS qui l'ont fait quitter sa terre natale, Fellag livre avec tact un beau et sensible retour sur son parcours.
Fellag, Bled Runner
Aux Nuits de Fourvière les samedi 24 et dimanche 25 juin