L'anecdote a beau être connue, elle vaut qu'on la raconte tant elle en dit long sur le cinéma, les hommes qui le produis(ai)ent et le caractère taquin du rusé Godard époque 62-63. L'histoire commence lorsque le cinéaste convainc le mogul Sam Levine de cofinancer son adaptation du roman de Moravia, en lui promettant Bardot au générique. Au premier montage du film, l'Américain tombe des nues, car la comédienne ne l'est justement jamais à l'écran. Or Levine a cher payé pour voir BB en tenue d'Ève — très cher, même, puisque le cachet de la star représente la moitié du budget du film s'élevant à 5 millions de francs de l'époque. Alors il se fâche et met en demeure JLG d'ajouter une séquence, mais en lui retranchant des vêtements.
Levine désire la nudité de Bardot ? Soit. Godard va lui offrir sur son plateau, dès l'ouverture du film dans une scène dialoguée raboutée dont on ne sait dans quelle mesure elle est improvisée. Couchée sur le ventre dans le plus simple appareil, la blonde callipyge passe en revue son anatomie, demandant à son partenaire Michel Piccoli si chacune de ses composantes lui agrée. Trois minutes post-générique pour complaire à un producteur libidineux ; trois minutes qui entrent dans la légende par leur audace — et ne déparent pas un film qui n'en manque pas par ailleurs.
Exprimant la langueur, la déliquescence de l'amour, le feu de l'été méditerranéen et l'intensité de la couleur, Le Mépris possède la caractéristique de ces métaux nobles, imperméables au temps : il est inoxydable. La sortie du Redoutable est une bonne raison de se précipiter pour le revoir sur grand écran.
Le Mépris
Dans les salles du GRAC du 19 septembre au 5 octobre