Politique Culturelle / Ça va bouger du côté de la Halle Tony Garnier : la ville envisage d'en changer le mode de gestion à l'occasion du départ dans deux ans de son directeur, Thierry Téodori, et du renouvellement de la convention liant les deux parties à la fin de cette année. Comme pour la Salle Rameau, se pose aussi la question de l'intérêt de gros entrepreneurs du divertissement pour Lyon.
À Lyon, point de Zénith, mais une Halle Tony Garnier devenue passage obligé des grosses tournées internationales dans l'agglomération. 115 représentations en 2017, pour 584 188 spectateurs payants et 5M€ de chiffre d'affaire : l'établissement public rapporte entre 200 000 et 400 000 euros chaque année à la Ville de Lyon, à laquelle les bénéfices sont reversés. Voilà un équipement culturel qui rapporte, ce qui n'est pas si courant... Et dont le directeur, Thierry Téodori, veille à respecter l'écosystème local en fermant ses portes en juillet et août, de manière à ne pas concurrencer les festivals (en premier lieu Nuits de Fourvière et Jazz à Vienne) ou en ouvrant ses portes au Festival Lumière. Du côté de la Ville, on parle même d'un « vaisseau amiral » chapeautant l'ensemble des salles du cru, du Kraspek Myzik au Transbordeur. Alors, tout va bien ? Oui, mais pas tout à fait, serait-on tenté de répondre.
Téodori sur le départ
Déjà, Thierry Téodori se prépare pour la retraite, dans deux ans. Se pose d'ores et déjà la question de sa succession, et remplacer celui qui est une figure incontestable et sans cesse consultée de la culture dans cette ville va nécessiter un minimum de réflexion et de doigté. Ensuite, la convention liant la ville et la Halle Tony Garnier arrive à son terme à la fin de l'année. Loïc Graber, l'adjoint à la culture, et Jean-Yves Sécheresse, élu mais aussi président de la Halle, ont donc décidé... de prendre le temps de réfléchir. Leur constat est simple : l'économie du spectacle et du divertissement est aujourd'hui en pleine mutation. Les artistes dont les tournées passent par la Halle sont pour beaucoup en fin de carrière, voire de vie (l'habitué Johnny Hallyday est décédé, comme David Bowie, Sardou met fin à sa carrière...) et les modes d'écoute des nouvelles stars (en musiques électroniques notamment) ne sont plus les mêmes, même si le hip-hop francophone pourrait prendre la place de la variété et offrir un renouvellement à cette salle historique.
Mastodontes en embuscade
Surtout, économiquement, l'arrivée de mastodontes du divertissement comme Live Nation et AEG chamboule les habitudes françaises. Lyon est jusqu'ici épargnée, le seul énorme acteur du secteur étant GL Events (qui gère l'Amphi 3000, Eurexpo ou encore La Sucrière), mais a pour particularité d'être aussi un local. Même le Parc OL de Jean-Michel Aulas a choisi de gérer sa programmation en interne, sans en déléguer la gestion (qui n'entre pas en concurrence avec la Halle, une tournée en stade n'étant pas construite comme en arena). Mais tous ces géants, de Live Nation à Lagardère, rêvent de mettre un pied à Lyon, bassin de population gigantesque pour les artistes de leur catalogue. Et le potentiel de la Halle, évidemment, les fait frémir avec sa jauge de 17 000 personnes, pourtant rarement exploitée à son maximum, Jean-Yves Sécheresse et Thierry Téodori préférant souvent réduire la voilure pour garder une visibilité (et une sécurité) correcte pour le spectateur.
« Nous sommes confrontés au fait de faire évoluer cette salle, sans trop faire bouger le paysage musical à Lyon » déclare M. Sécheresse. Dans les couloirs de l'Hôtel de Ville, certains sont tentés par l'idée de privatiser et de confier la gestion du lieu à l'un de ces mastodontes (qui se sont tous déjà positionnés, selon M. Téodori) en échange d'une confortable rente mais sans aucun droit de regard sur l'utilisation du lieu. Quand on voit l'exemple de Rock en Seine à Paris, objet d'une luttre frontale entre AEG/Pigasse d'un côté et Live Nation de l'autre, on ne peut que s'inquiéter d'un tel avenir. D'autres élus ne veulent surtout pas risquer de chambouler cet écosystème lyonnais équilibré et œuvrant plutôt en bonne intelligence. D'où la prudence aujourd'hui, et le lancement avant toute décision d'une étude sous forme d'Assistance à Maîtrise d'Ouvrage pour définir au mieux toutes les possibilités : l'idée est de maîtriser pleinement le dossier, des éventuels travaux dans la salle à sa future forme juridique et à son mode de gestion adéquat, avant de prendre une décision la concernant, qui sera formalisée durant l'été 2018 et pourra donc aller « du très privé au très public ». En attendant, l'on devrait bientôt se réjouir de l'annonce du prochain passage de Queens of the Stone Age par la Halle.