Aïe ! / de Erik Lieshout (P-B, 1h10) avec Iggy Pop, Michel Houellebecq, Robert Combas...
De la douleur surmontée naît la création poétique. Tel est le postulat de l'essai signé par Michel Houellebecq en 1991, Rester vivant, méthode. Un bréviaire dont fait ici son miel Iggy Pop, jadis réputé pour ses performances scéniques limites conjuguant scarifications et auto-mutilations diverses. En vénérable pré-punk apaisé, l'Iguane s'emploie à lire devant la caméra quelques stances de l'ouvrage, à les commenter à la lumière de son parcours ; croisant sa propre vie avec celle d'autres artistes aussi marqués par la souffrance que lui. On y découvre les écrivains écorchés Claire Bourdin et Jérôme Tessier, ainsi que le vibrionnant peintre Robert Combas, témoignant tous de leur rapport intime à la maladie — schizophrénie, dépression ou autre plaie intérieure térébrante qu'ils ont convertie en carburant créatif.
Et puis il y a dans un recoin du film, à son extrémité caudale même, un certain “Vincent“, artiste reclus absorbé par un grand œuvre mystérieux. Il s'agit du seul “personnage“ fictif de ce documentaire hybride, interprété par Houellebecq en personne. Visage rongé de stigmates, voix souffreteuse et silhouette débile, l'auteur est l'incarnation idéale de son essai ; un cameo parfait.
Posé, voire léché, Rester vivant - méthode illustre et confirme par l'exemple la théorie houellebecquienne, près de trente ans après sa publication. Et cette validation s'achève par la mise en marche branlante mais triomphale des cinq protagonistes, de front dans une rue parisienne déserte. Connaissant le lest que traîne chacun d'entre eux, voir cette bande d'éclopés déambuler d'un pas vacillant mais décidé a quelque chose de sublime.