Animation / Le cinéma taïwanais en prises de vues réelles connaissait un maître en la personne Ang Lee ; se pourrait-il qu'il se soit trouvé avec Sung Hsin-Yin son équivalent dans le domaine de l'animation ?
De son enfance taïwanaise, Tchi avait conservé des images diffuses, emportées aux États-Unis où elle a construit une existence bancale. De retour au pays pour les obsèques de sa grand-mère, Tchi renoue avec ses souvenirs, des amis et envisage un autre futur : en profitant du présent.
Grand conte introspectif contemporain empreint d'une douce mélancolie s'apprivoisant progressivement pour se transmuer en nostalgie raisonnée, Happiness Road possède l'immensité d'une saga épique... alors qu'il conte le parcours d'une petite fille normale. Mais de cette normalité, Sung Hsin-Yin exhale tous les insondables mystères ; il embrasse le réel et l'onirique dans un même mouvement graphique d'une subtile élégance — qui n'est pas sans rappeler la grâce du regretté Isao Takahata. Et quand la majorité des romans d'apprentissage s'adresse à des enfants ou des adolescents, celui-ci se destine aux (jeunes) adultes, leur révélant qu'il n'est jamais trop tard pour mettre sa vie en harmonie avec ses aspirations profondes.
Jouant de manière inattendue sur les époques, le surnaturel (le dialogue avec les ancêtres) et les éventuelles conséquences de ses décisions, Happiness Road s'inscrit aussi dans un contexte historico-politique signifiant : Tchi naît le jour de la mort du président taïwannais ; l'ombre du dictateur Tchang Kaï-chek pèse sur sa petite enfance, et ses études sont marquées par les revendications étudiantes. C'est donc un livre d'Histoire “habité“ que l'on parcourt, aussi émouvant, cocasse qu'édifiant. Un grand film.
Un film de Sung Hsin-Yin (Taï, 1h51)