Dans la France du général de Gaulle, il ne faisait pas bon émettre des critiques sur l'institution militaire. Même si celles-ci étaient fondées, la Grande Muette trouvait au sommet de l'État une (large) oreille compatissante, n'hésitant pas à répondre à ses rêves de silence contagieux. C'est ainsi que Les Sentiers de la gloire (1958) de Stanley Kubrick fut purement et soldatesquement censuré dans l'Hexagone à sa sortie. Il avait le tort, aux yeux élyséens, de raconter comment des généraux français — bien à l'abri dans leur douillette base arrière — avaient décidé de fusiller pour l'exemple des hommes de troupe ayant refusé de monter au feu et surtout contesté un ordre stupide car les condamnant à une mort certaine face à une position allemande inexpugnable. Désobéir à la bêtise des chefs est un acte de trahison ; un crime de guerre, semble-t-il.
Monument historique autant que geste politique et humaniste produit et interprété par Kirk Douglas (qui n'en était pas à son premier acte cinémato/citoyen), ce film marque la “naissance“ de Kubrick en tant que formaliste de la profondeur et de la symétrie : les étroites tranchées des poilus et les glaciales pièces où s'encroûtent les gradés s'y prêtent atrocement. Œuvre de boue, de désespoir, d'injustice et de sang, le défaitisme moral suintant du camp des “vainqueurs“ est atténué par une miraculeuse séquence musicale (et féminine) comptant parmi les plus émouvantes du cinéma de guerre — à rapprocher de La Grande Illusion.
Notez qu'il s'agit de l'avant-dernier film du cycle 14-18 programmé dans les salles du Mont du Lyonnais : l'année s'achèvera comme de bien entendu en décembre avec le film de Christian Carion Joyeux Noël.
Les Sentiers de la gloire
Au Toboggan du 7 au 13 novembre