Restaurant / Où déguster, à Lyon, une côte de veau tigre, un figatellu de porc nustrale, un fiadone maison, et un Patrimonio nature ? Il n'y a qu'un endroit, il vient d'ouvrir, et s'appelle A Cantina.
Si la finesse du sable corse, ou la beauté et la dureté du GR20, ne sont guère sujets à la polémique touristique, il n'en est pas de même pour la gastronomie insulaire, qui eut longtemps mauvaise presse, la pauvre. Submergée par le flot estival - on compte 1, 3 millions de visiteurs lors des deux mois d'été, pour 330 000 habitants - l'île est forcée de surproduire : de ponctionner les ressources marines, notamment la fameuse langouste de Centuri, ou de fabriquer à partir de matières importées, comme pour le malheureusement fameux saucisson d'âne, qui ne fut en réalité jamais fabriqué avec les canassons de l'île. Ainsi, moins de 10% de la charcuterie fabriquée en Corse l'est à partir de porcs nés sur place. Ajoutons à cela que le vin a longtemps été de piètre qualité. Enfin, et c'est peut-être un objet de frustration pour les visiteurs estivaux, la cuisine corse n'est pas une cuisine de plage, soleil et farniente, plutôt une popote rustique, fondée sur les pratiques de chasse et d'agro-pastoralisme montagnard.
Ce qui n'empêche pas, loin de là, de trouver sur l'île de Beauté des produits d'exception, qui pour certains ont obtenu la reconnaissance au-delà des côtes corses. Citons le travail de Jacques Abbatucci, que l'on aperçoit dans le film Steak (R)evolution. On peut mettre la main en vacances sur de tels bijoux gastronomiques, encore faut-il être bien informé, ou particulièrement verni. Pour exemple, on trouva un jour dans l'épicerie d'un camping quelques bouteilles de Patrimonio d'Antoine Arena, autre figure de la bio-qualité, autre grand nom de la gastronomie corse. Il en est malheureusement autrement une fois de retour sur le continent.
Une épatante côte de veau tigre
Si la cuisine corse est bien mal représentée à Lyon, les choses sont pourtant en train de changer. Ainsi Julien Pandolfi a amené de Calvi son savoir-faire et sa liste de fournisseurs pour A Cantina, restaurant et bar à tapas ouvert depuis 2012 à Bordeaux et qu'il vient de dupliquer dans la capitale des Gaules. On y déguste les vins d'Arena sus-cités, mais aussi ceux, eux aussi naturels, de Muriel Giudicelli. Qu'on peut accompagner, au rez-de-chaussée et au comptoir, d'une planche de charcuterie AOP de porcs de race U Nustrale nés et élevés à Cuttoli par Felix Torre, voire de quelques fromages de bergers, de brebis et de chèvre.
Sur la mezzanine, ambiancée par un chanteur corse (qui offrait le soir de notre venue une étonnante reprise de Tri Yann), on sert les plats de Jean-Noël Brunet, qui tenait encore récemment L'Isula à Calvi, dont une épatante côte de veau tigre (selon arrivage), sauce moutarde à la myrte, et d'honnêtes représentants de la cuisine tradi et familiale corse : les classiques cannellonis au brocciu (que l'on retrouve dans une formule du midi), un ragoût (le stuffatu) de trois viandes accompagné de tagliatelles (elles, à oublier), et pour finir l'inévitable fiadone (un cheesecake au brocciu) et sa boule aux agrumes de l'excellent glacier (lyonnais mais mi-corse) Unico.
A Cantina
4 rue Giuseppe Verdi ; Lyon 1er
Plats 17-21€ ; planches 21-25€ ; desserts 7-9€
De midi à 14h30 (sauf lundi) et de 18h à minuit ; fermé le dimanche