Le labyrinthe personnel de Daniel Steegmann Mangrané

Le labyrinthe personnel de Daniel Steegmann Mangrané
Daniel Steegmann Mangrané

Institut d'Art Contemporain

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Art Contemporain / Découvert à la Biennale d'Art Contemporain 2018, Daniel Steegmann Mangrané présente à Villeurbanne sa première grande exposition personnelle. Une invitation à une expérience singulière des lieux et de... soi-même !

À Paris, il y a plusieurs années, nous avions pu découvrir une exposition thématique sur le vide, ou encore une rétrospective sans aucune œuvre consacrée à Rikrit Tiravanija... À l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne, Daniel Steegmann Mangrané n'est pas allé jusque là, mais presque. On y parcourt des salles vides de tout objet, et "contenant" essentiellement de l'ombre et de la lumière, des plis et des dé-plis d'espace. L'artiste a réaménagé l'ensemble de l'architecture intérieure du musée, dessinant ici des angles aigus avec de grandes cimaises obliques, aménageant là quelques passages étroits entre deux cloisons, ouvrant ailleurs des puits de lumière qui nous font, subjectivement, penser à ceux du Corbusier au Couvent de la Tourette...

C'est, ainsi, à une expérience de l'espace et de la méditation solitaire que nous invite l'artiste, à rebours de toute idée d'accumulation voire de surconsommation. « Je cherche toujours le moment où le visiteur ne regarde plus les œuvres mais sa propre expérience ; le moment où il se regarde lui-même » écrit Mangrané dans le livret d'exposition. Changer notre manière de penser implique logiquement pour lui de changer le dispositif d'exposition.

Soudain, un phasme !

Au sein de ce labyrinthe d'ombre et de lumière, on découvre cependant un film vidéo d'une vingtaine de minutes où l'on peut voir des volumes blancs peu à peu "contaminés" par des branchages, avant que quelque phasme ne se mettent à s'y mouvoir... Cet intriguant animal qui, littéralement, se dissout dans son environnement est un motif clef dans l'œuvre de Mangrané (il en avait d'ailleurs présenté plusieurs spécimen dans un immense aquarium lors de la dernière Biennale d'Art Contemporain de Lyon). Cet insecte semble en effet appartenir tout à la fois au règne animal, au règne végétal, et pourquoi pas à un certain ordre géométrique humain !

Cette abolition des frontières entre les genres, et aussi entre l'individu et son environnement immédiat, le sujet et l'objet, intéresse tout particulièrement l'artiste. Il est inspiré en cela par les anthropologues Eduardo Viveiros de Castro (qui brouille la distinction entre l'humain et le non humain) et Philippe Descola (qui dépasse la dualité nature-culture : voir notre article en page 4). « S'il n'y a plus de sujet ni d'objet, il n'y a plus de spectateur ni d'œuvre d'art, mais des processus de relations de transformations mutuelles... Confondre l'intérieur et l'extérieur de l'exposition est l'un des premiers devoirs de l'art : l'espace du musée ne peut plus être un espace d'accumulation d'artefacts, isolé et protégé de l'extérieur, mais un lieu où notre rapport aux objets et à la réalité est reconfiguré. »

Hétérotopies

Reste que pour vivre de telles expériences, il faut quand même se rendre dans... un musée. Tel est le paradoxe de l'exposition de Mangrané qui, lui, a bel et bien migré d'Espagne vers le Brésil, en 2004, par passion pour la forêt amazonienne. Le musée relève ici d'une hétérotopie, selon l'expression fameuse de Michel Foucault, soit un lieu d'expérience singulière où l'espace-temps se décale (les horaires du musée se décalent d'ailleurs concrètement chaque jour d'une minute), voire se détache complètement, de l'espace-temps de notre vie quotidienne.

Et il n'est sans doute pas si étonnant qu'à l'IAC nous songions évasivement à un couvent, ou à une bâtisse moyenâgeuse, autres hétérotopies d'autres époques. Il est encore une autre lieu hétérotopique qui plane sur l'IAC : l'hôpital psychiatrique où Stela do Patrocinio (1941-1992) énonçait d'étranges poèmes, dont est extrait le beau titre programmatique de l'exposition, Ne voulais prendre ni forme, ni chair, ni matière...

Daniel Steegmann Mangrané, Ne voulais prendre ni forme, ni chair, ni matière
À l'Institut d'Art Contemporain à Villeurbanne jusqu'au 28 avril

Rencontre avec l'artiste le dimanche 31 mars à 19h30


Bio express

1977 : Naissance à Barcelone

2004 : Installation à Rio de Janeiro au Brésil par fascination pour la forêt amazonienne

2012 : Participation à la 30e Biennale de Sao Paulo au Brésil

2017 : Participation à la 14e Biennale de Lyon, Mondes flottants

2019 : Expositions à Milan en Italie, à Nottigham au Royaume Uni et à l'Institut d'Art Contemporain à Villeurbanne

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