Théâtre / Phénomène du théâtre émergent de ces toutes dernières années, Hugues Duchêne et sa compagnie Royal Velours repassent par ici avec l'intégralité de leurs chroniques annuelles sur le quinquennat Macron. Drôle, vif, malin et... mécanique.
Natif de Lyon (en 1991), passé par l'École supérieure d'Art dramatique de Lille puis l'Académie de la Comédie-Française où il a rencontré ses acolytes, Hugues Duchêne est aussi, comme ces derniers, électeur de Mélenchon et fils de votants Macron. Il le clame haut et fort car c'est de ce constat que naît Je m'en vais mais l'État demeure, désormais quadrilogie sur la présidence. Ce "quatrième" spectacle fait suite à une trilogie inspirée de l'ère sarkozyste où il était question de Polanski dans la première partie et, dans sa dernière (Le Roi sur sa couleur, présenté dès 2018 aux Clochards Célestes, qui détectent tout avant tout le monde dans nos contrées) des rapports politiques et de pouvoir avec l'éviction d'Olivier Py de l'Odéon et le choix de Luc Bondy pour le remplacer.
Déjà virtuose, très bien documenté, ce travail était aussi un entre-soi parfois étrange. La célébrité venant (grand succès au Off d'Avignon 2018, série à la Scala), Hugues Duchêne ne s'est pas rangé à son milieu qu'il fustige, ici encore, via la figure de Stéphane Braunschweig, nouveau locataire de l'Odéon appelant les CRS en renfort lors d'une commémoration de mai 68.
« Tout est vrai sauf ce qui est faux »
Dans une scénographie simplissime — un plateau vide — avec six autres acteurs, dont un musicien à la batterie, avec des inscriptions au mur situant les scènes dans l'espace et le temps, il décline en autant d'heures que d'années (2016-17 électorale, 2017-18 judiciaire, 2018-19 parlementaire et 2019-20 potentiellement médiatique) l'actualité récente. Tous brillent par leur interprétation ultra speed, le propos est radicalement du côté de la gauche et ne pas louvoyer sur "d'où ils parlent" n'est pas la moindre de la qualité de cette troupe qui s'appuie autant sur les travaux du géographe Christophe Guilluy et sa France périphérique que le succès de Juliette Armanet et son Manque d'amour. Alternant report des procès d'Antonin Bernanos ou d'Abdelkader Merah avec des séquences de vie personnelle et amoureuse, Je m'en vais... est une sorte de cartographie par flash de ces temps déjà révolus. Tout est parfaitement dosé entre rires, émotion, révolte.
La séduction opère mais, à force, il apparaît que ces situations sont aussi des prétextes à faire du théâtre efficace au service plus encore de la démonstration de force de la compagnie que du fond. Attaquer Braunschweig ? « une matière à faire une bonne scène » confiait Duchêne à France Info. Évoquer Calais, sa jungle, ses 62% de vote Marine Le Pen au premier tour de la Présidentielle 2017 ? « Une jolie tragédie contempraine » dit-il dans le dossier de presse. Ajoutons une BO de Jeanne Mas plaquée sur le teaser... Le mélange des genres touche sérieusement ses limites.
Je m'en vais mais l'État demeure
Au Théâtre de la Renaissance du mercredi 11 au samedi 14 mars
(mercredi : saisons 16/17 et 17/18 ; jeudi : saisons 18/19 et 19/20 ; vendredi et samedi : intégrale)