Isère / Aux Glovettes, à Villard-de-Lans, énorme complexe résidentiel typique des stations de ski, la majorité de l'année les appartements sont vides. Une association créée par quatre femmes fait vivre le bâtiment en dehors de la saison des neiges en le transformant en résidence d'artistes et en proposant des actions culturelles aux habitants du Vercors.
En cette fin d'automne, le lieu est fantomal. Silence de forêt au milieu de ces énormes bâtiments de béton qui serpentent au creux d'un vallon, en surplomb de Villard-de-Lans. Au pied des immeubles, le télésiège est à l'arrêt, le court de tennis vieillit. Sorti de terre à la fin des années 1970, dans la ruée sur l'or blanc, le complexe des Glovettes peut accueillir, au cœur de l'hiver, jusqu'à 5000 vacanciers skieurs. Le reste de l'année, quarante personnes s'y croisent de loin.
Parmi elles Agathe Chion, metteuse en scène qui après avoir bourlingué dans les théâtres de Berlin et Bruxelles, a pris un virage radical avec conjoint, enfants et chien pour s'installer dans l'appartement familial des Glovettes. Au vert. Rapidement elle s'est liée avec trois comparses vertacomicoriennes, Adrianna Wallis, artiste plasticienne, Hélène Fournié, illustratrice médicale, et Célia Vaudaine, professionnelle de l'édition.
935 copropriétaires éloignés
À force d'arpenter, pour le compte des copropriétaires absents (ils sont 935 au total, une foule), ces longs couloirs habillés de bois brut, avec écorce et nœuds apparents, l'idée a germé : plutôt que de laisser vacants ces appartements neuf ou dix mois par an, pourquoi ne pas y accueillir des artistes en résidence, toutes disciplines confondues ? « En fonction des projets, on les accueille sur trois, six ou douze semaines », précise Agathe Chion, pour qui l'association Villa Glovettes, soutenue par les pouvoirs publics, est déjà en train de créer un poste.
Dans ces appartements à moquette rouge carmin, sept artistes travaillent cet automne : le peintre Thomas Lévy-Lasne, l'autrice Mathilde Segonds avec la vidéaste Frédérique Vivet (elles travaillent ensemble sur un film, Par les cols), l'artiste plasticienne Jenny Feal, le musicien-écrivain Xavier Machault et le réalisateur Méryl Fortunat-Rossi. Pendant leur séjour aux Glovettes, ils prennent part à des initiatives culturelles (ce n'est pas une obligation) qu'ils choisissent en lien avec l'association : conférence, atelier d'écriture, activité avec les collégiens et lycéens de Villard-de-Lans, par exemple.
La première session de résidence aux Glovettes, baptisée Automne 21, touche à sa fin et l'initiative fait beaucoup parler d'elle. Samedi, Agathe Chion et deux de ses pensionnaires sont partis au Musée de Valence, à sa demande, pour exposer le projet Villa Glovettes. Des artistes hors réseau des quatre associées les contactent déjà en vue de s'installer à leur tour dans ces appartements où la quiétude règne, face aux grands espaces du Vercors. La prochaine session, Printemps 22, accueillera entre autres l'essayiste-philosophe-charpentier-alpiniste Arthur Lochmann (Toucher le vertige, 2021, Flammarion).
Source infinie d'inspiration
Agathe Chion déborde d'idées pour les Glovettes, source infinie d'inspiration, mais prend son temps afin de rester loin de la ligne rouge : dénaturer la sérénité et la nature de ce lieu étonnant en le transformant en fourmilière ou en usine événementielle. Pas de grosse fête ou de concert, pas de festival bruyant... « De toute façon, on ne peut pas se la péter ici ! », lâche-t-elle tout sourire, les deux pieds campés dans le champ qui borde la résidence.
Pour le moment, Villa Glovettes se contente de séances cinéma sous les étoiles, de visites architecturales et d'actions culturelles avec les artistes, à l'échelle du territoire. Prochains rendez-vous, les ateliers d'écriture de Mathilde Segonds qui se poursuivent avec une séance le 4 décembre ; et le 12 décembre elle emmènera les familles dans un bien nommé "atelier mystérieux".
Dans la crise que traverse la montagne, entre le manque régulier de neige et la diversification quatre saisons, Villa Glovettes offre une respiration à la station-village ; tout le monde est content : les propriétaires louent leur bien là où il serait resté vide, les artistes bénéficient d'un cadre propice à la création et à la contemplation, les locaux voient s'étoffer l'offre culturelle à deux pas de chez eux.
Villa Glovettes
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