Bande Dessinée / Ralf König est l'un des invités les plus aguicheurs de cette édition de Lyon BD Festival, où il vient présenter une relecture fabuleuse d'un héros pas habitué à un tel traitement : Lucky Luke.
C'est peut-être bien dans les pas de côté, les chemins de traverse, que les reboot de séries phares de la bande dessinée trouvent leur plus grand intérêt : okay, on aime suivre les nouveaux Astérix repris par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, fidèles aux originaux, mais quand les héros parfois trop figés sont brutalisés par un nouvel auteur ou autrice possédant son propre univers très marqué, c'est encore mieux, à l'instar de classiques des comics américains dont s'emparent d'immenses auteurs (la trilogie Batman de Frank Miller). Alors, quand on a vu débarquer ce Lucky Luke signé Ralf König, on s'est dit que ça allait secouer sévère. Et ça n'a pas raté.
Car si le dernier tome en date de la série habituelle, Un cow-boy dans le coton, était particulièrement réussi, Achdé, bien sûr, était resté fidèle au trait et à l'esprit de Morris — le dessinateur Belge ayant créé le cow-boy solitaire. L'Allemand, fan de la première heure, propulse lui Lucky Luke dans un western façon Secret de Brokeback Mountain. Ici, les cow-boys qui l'accompagnent sont gays et batifolent plus que les Dalton, une Amérindienne se nomme Sitting Butch et lorgne sur Calamity Jane... Mais le héros n'est pas devenu gay : les ayants droits du créateur ont adoubé cette relecture, mais avaient posé cette condition qui convenait très bien à l'auteur (moins le fait que Lucky soit désormais interdit de clopes au bec).
Conrad et Paul
Si dans les albums traditionnels, on croisait des entrepreneurs du chemin de fer ayant besoin d'un Lucky Luke pour assurer leurs arrières au fur et à mesure que les rails s'approchaient de la Californie, ici c'est un importateur de chocolat suisse — M. Sprüngli — qui fait appel au solitaire pour protéger celles qui produisent l'indispensable et précieux breuvage nécessaire à sa fabrication (le lait), des vaches très spéciales.
Ralf König ? C'est la star de la BD allemande, révélé par Les Nouveaux Mecs en 1987 (plus tard adapté au cinéma) et confirmé par son hilarante série Conrad et Paul, couple de mecs basé à Cologne (comme leur créateur) permettant à l'auteur de croquer les travers de la société allemande contemporaine et ses évolutions, mettant en scène des personnages souvent homosexuels.
En partie autobiographique, son œuvre est magistrale, drôle, affûtée. On cite encore souvent Brétecher comme influence principale (elle parlait de plagiat...), lui le revendique et en est honoré. Au tour de Lyon BD Festival de faire honneur à ce meneur surplomblant la scène allemande de quarante années de carrière.
Ralf König, Choco-Boys (Dargaud)
Rencontre à la Comédie Odéon le samedi 11 juin à 14h
Dédicace à Expérience le vendredi 10 juin à 15h