Urbanisme / Presqu'une décennie après sa désaffection, le Collège Truffaut (Lyon 1er) attaque la seconde grande phase des travaux qui lui permettra d'enfin rouvrir ses portes. Et d'élargir le spectre de ses visiteurs en changeant d'affectation : en 2022, le vénérable bâtiment accueillira notamment une crèche, des logements étudiants, un hostel et un prometteur pôle piloté par Lyon BD Organisation, le Collège graphique...
C'est la fin d'une histoire, ou plutôt d'une parenthèse, et le début d'une autre qui se profilent au Collège Truffaut. D'abord école de filles et de garçons à son ouverture en 1887, puis collège jusqu'à sa désaffection en novembre 2013, l'imposant édifice aura ensuite occupé bien des conversations et des esprits : la question de sa reconversion cristallisant les différences de visions politiques, urbanistiques et sociales entre les élus de la mairie du 1er arrondissement, de la mairie centrale et de la Métropole — propriétaire du site. Occupé, le Collège l'aura d'ailleurs été durant cette longue phase, de façon temporaire à plusieurs reprises : dès décembre 2013 par un collectif citoyen pour reloger des familles à la rue (l'affaire avait valu à la maire du 1er d'alors, Nathalie Perrin-Gilbert qui avait participé au mouvement, d'être placée en garde à vue) ; puis en mai 2016 par des opposants à la Loi Travail ayant laissé de leur passage force slogans tagués.
À la fin des consultations, le projet porté par un couple opérateur privé (Linkcity, filiale de Bouygues Construction) et investisseur immobilier appartenant à l'économie mixte (la SACVL), signe un bail emphytéotique de 60 ans pour ces 5470m2 de surface de plancher. Le fort tropisme “jeunesse“ des partenaires a du peser dans la balance, la Métropole étant désireuse de conserver au site sa vocation historique. Sont en effet attendus une crèche de 20 places à l'enseigne des Petits Chaperons Rouges, un hostel (une auberge de jeunesse en plus branchée et pas que pour les jeunes) de 45 clefs doté d'un bar-restaurant confié à Hirundi, une résidence étudiante “100% sociale” de 77 lits gérés par la SACVL en lien avec l'AFEV et le Collège graphique de Lyon BD Organisation, vaste ensemble réunissant enfin d'un seul tenant plusieurs maillons du dynamique écosystème BD métropolitain. À cela s'ajoutent des salles “plurielles“ ouvertes à la vie associative du quartier, comme aux différents occupants du site.
Zone de fraîcheur
Pour goûter aux joies de la pendaison de crémaillère, il reste à achever des travaux d'envergure sous la houlette des agences d'architectes BAMAA et Archipat intervenant sur cette requalification. Une première tranche a permis de curer les lieux (abattage de cloisons, désamiantage...) mais aussi d'évacuer des matériaux et mobilier recyclables ou de préserver ceux qui pourront être réemployé — à 75% pour les menuiseries extérieures. Car ce chantier qui se veut vertueux revendique également le recours à des matériaux biosourcés comme le bois massif afin de former les 1800m2 de plancher ou des journaux recyclés pour l'isolation.
Mais la principale difficulté concerne non le corps du bâtiment mais son cœur : la cour qui, à la demande de la Métropole, doit non seulement ouvrir le lieu au passage mais aussi permettre de trabouler entre la rue de Flesselles et la Montée des Carmélites. Entre les vestiges archéologiques (l'ancien couvent des Carmélites) et la nature du sous-sol pleine de surprises (balmes, galeries souterraines non répertoriées et autres arêtes de poisson), les Pentes offrent des sueurs froides permanentes à qui commence à forer. Lieu de circulation, terrasse pour le café, mais aussi susceptible d'accueillir des projections en plein air, cette cour doit enfin offrir une zone de fraîcheur appréciable durant les canicules grâce à l'ajout d'une touche végétale au sol, en plus de la conservation de ses platanes — vu l'albédo du sol et des façades, on espère que la couche herbacée sera du genre dure à cuire !
Urbanisme transitoire
Présenté in situ par toutes les parties prenantes du programme, ce chantier était également du pain béni pour le nouvel exécutif métropolitain et l'occasion d'affirmer sa marque. Si la 2e Vice-présidente en charge de l'Urbanisme et du cadre de vie Béatrice Vessiller (EELV) a salué le fait qu'on puisse « réhabiliter un bâtiment d'une telle valeur patrimoniale avec tout le soin apporté à la reconstruction, au réemploi », elle a surtout insisté sur le fait que la Métropole était « en train de développer une politique foncière plus ambitieuse. Contrairement à ce qui avait été fait ici [sous entendu, entre 2013 et 2016], nous voulons une occupation temporaire des biens dont nous nous rendons propriétaires, de façon à ne pas laisser des logements vacants de nombreuses années. On va développer une politique volontariste d'urbanisme transitoire parce qu'on en a besoin pour du logement d'urgence, pour des activités culturelles. » À ses côtés, le Président de la Métropole Bruno Bernard acquiesçait. Reste à recenser l'ensemble du parc métropolitain vacant...