Réouverture / Parmi les cinq sites patrimoniaux vacants repérés par la municipalité, le musée Guimet est le premier à rouvrir. La Biennale d'art contemporain s'y installe. D'autres projets suivront. Explications et visite de chantier.
Après une annonce bien floue en avril dernier quant au devenir des lieux patrimoniaux vides, ça s'éclaircit doucement. Et le ravissement des deux commissaires de la Biennale d'art contemporain Sam Bardaouil et Till Fellrath n'a rien de feint. « On a le sentiment que Lyon est vraiment devenu notre ville » lâchent-ils au maire Grégory Doucet, avec un léger excès de zèle. Mais il est impossible de rester insensible aux fantômes qui se dégagent de ce musée ouvert par Emile Guimet en 1879 avant que ça ne devienne une patinoire au tournant du siècle et que la ville le récupère pour en faire le musée d'histoire naturelle, fermé définitivement en 2007. Depuis seule la biennale de la danse y a fait une incursion pour les 24 tentatives d'approche d'un point de suspension de Yoann Bourgeois. Exit l'entrée par le boulevard des Belges et la grande salle, mais rendez-vous au 51 rue Lieutenant-Colonel Prévost. « Les gens ne vont pas passer par la porte principale car c'est trop attendu, nous investissons les anciens bureaux, lieux de stockage, pas forcément connus des visiteurs, ça les prépare à la fragilité », thème de ce 16e rendez-vous du genre. Au sol, sur les murs tout est encore en phase de montage pour placer la vingtaine d'œuvres prévue. Et puis, c'est un hommage à Guimet souligne l'un des commissaires car la Ville retrouve ce musée qu'Edouard Herriot avec refusé d'agrandir – le collectionneur était alors parti à Paris avec ses trésors sous le bras pour ouvrir... le musée Guimet – aujourd'hui Musée national des arts asiatiques – dans le 16e arrondissement de la capitale. D'un quartier bourgeois à l'autre...
Lier les époques
Ce « chef d'œuvre » tel que le nomme Till Fellrath ne refermera pas ses portes à la clôture de la biennale le 31 décembre. L'édition suivante, en 2024, y reviendra. « C'est un long mouvement de renaissance du lieu qui commence avec vous lance l'adjointe à la Culture Nathalie Perrin-Gilbert aux deux commissaires » en ce vendredi 2 septembre. L'axe sera celui des expositions. Pas de concert prévu dans cet établissement recevant du public (ERP) de type Y (musée) et non L (salle de spectacle) mais, dès le premier semestre 2023, place au street art, très probablement en lien avec la galerie dédiée Spacejunk. Puis, durant la saison 23-24, c'est Joris Mathieu qui viendra déployer les formes immersives de théâtre qu'il développe déjà au centre national dramatique du TNG dont il est le directeur. Les arts numériques y seront les bienvenus aussi comme c'est déjà le cas avec cette Biennale. Après une seconde édition dans ces murs à l'automne 2024, quel avenir pour le musée Guimet ? Pas de réponse pour l'instant mais quelques inquiétudes déjà. L'adjointe à la Culture martèle son souhait que ce lieu « reste celui des Lyonnais et des Lyonnaises, donc public ». Comme si la menace de le voir privatisé rôdait déjà.
Domaine public
Pourtant tout est fait pour que des acteurs culturels puissent s'en emparer. Le bâtiment de 9000 m² dont 5500 sont ouverts lors de cette biennale, a été entièrement rénové et remis aux normes grâce à une enveloppe de 700 000€ (500 000€ en provenance de la Ville de Lyon, 200 000€ via le Musée d'art contemporain). Les ascenseurs, escaliers, réseau d'eau, extincteurs ont été rénové ou changé, de même que le plafond a été purgé et le sol remis à niveau. « Rien ne sera à refaire pour le futur utilisateurs » note Nathalie Perrin-Gilbert.
À J-13 de l'ouverture de la Biennale, les salles s'emplissent d'installations. Comme celle de Puck Verkade qui nous immerge dans un cornet de frites et questionne la dépression écologique ou celle de Young-jun Tak qui propose, sur un écran géant dans la salle ronde du musée (où se trouvait l'ancienne billetterie), une vidéo montrant deux chorégraphies dansées dans des lieux contraire à ceux prévus, une église et un night club berlinois. Il s'agit d'interroger encore et toujours, via l'art, le rapport au lieu de l'action. Ugo Schiavi revient lui au temps du diaporama « à l'échelle du data center », dans la salle centrale majestueuse. Environ 80 bacs de terre et de végétaux sont installés dans d'immenses étagères métalliques avec ici et là des squelettes et des fossiles provenant, pour certains, de l'ancien muséum d'histoire, en confrontation avec des vidéos qui restent à placer.
Les commissaires insistent : « nous devons questionner le musée de l'avenir. Nous avons obligation à y réfléchir car sinon il n'y en aura plus ». Faire vivre ce lieu, c'est tout l'enjeu de ce qui s'amorce avec la Biennale retrouvée. Et de créer aussi un dialogue avec d'autres hôtes de la Biennale : le MAC et le Chalet du Parc, prochain site patrimonial de la Ville réhabilité (voir ci-contre).