Musée / Dans cette rentrée des expos que nous vous détaillons plus loin dans ce journal, le musée urbain Tony Garnier manque à l'appel. Et pour cause, il est fermé depuis fin juillet. La page de la direction sortante se tourne, une autre semble se dessiner.
Vive le confort moderne !, Sacré béton !, La Vie mode d'emploi, Tony Garnier l'air du temps... jusqu'aux Jours heureux sur l'archéologie des Trente Glorieuses inauguré en décembre 2021 : ces dernières années, le MUTG a enchainé les expositions aussi intéressantes qu'accessibles, fouillées, illustrées qui ont, avec aussi à l'appui de belles publications, retracé ce qu'ont été ces décennies passées pour la classe ouvrière depuis que Tony Garnier, avec le maire Edouard Herriot, a imaginé, dans les années 1930, cet ensemble d'habitation dans le 8e arrondissement, aujourd'hui classé QPV, Quartier politique de la ville, doux euphémisme pour les quartiers pauvres.
Entre 35 000 et 50 000 visiteurs par an (comprenant à la fois les visiteurs des expo et de l'appartement témoin comme ceux qui venaient demander un renseignement pour les murs peints) découvraient ici qu'hors du périmètre UNESCO, une histoire importante de la ville se jouait. L'exposition qui courait jusqu'à la fin de l'année est non seulement fermée à la visite mais aussi désossée car un grand nombre d'objets (120 sur 350) appartenaient à la directrice en place depuis douze ans, Catherine Chambon, qui a quitté ses fonctions en début d'été, ainsi que les deux autres salariés, tous en souffrance et en conflit ouvert avec le conseil d'administration. Le motif du litige ? Catherine Chambon souhaitait un poste supplémentaire à temps plein et pas un contrat d'apprentissage ou des stagiaires comme le CA le proposait, et comme cela avait été précédemment fait. L'atmosphère n'a dès lors cessé de se dégrader et le travail d'un cabinet de consultation externe en RH n'a rien changé à l'affaire. Par ailleurs, en mai, comme pour de très nombreuses autres structures culturelles, la Région annonçait la suppression de sa subvention de 35 000 € qui, suite à l'alerte lancée publiquement par Catherine Chambon, a été rétablie.
Made in USA
Le MUTG dispose donc toujours d'un budget annuel d'environ 250 000€ répartis ainsi : 90 000€ Ville de Lyon / 22 000€ de Grand Lyon Habitat (auxquels s'ajoute le prêt gratuit des locaux) / 35 000€ de la Région donc et 10 000 € de la DRAC (auxquels s'ajoutent 30 000€ par expo, soit une année sur deux environ) ; le quart restant provenant de financements propres (billetterie, boutique, événementiel). Président du musée depuis 20 ans, Jacques Bonniel, par ailleurs adjoint à la culture du maire du 8e, oppose lui à la directrice sortante un « principe de réalité » quant à ce poste supplémentaire réclamé même s'il lui reconnait ses « qualités professionnelles » mise au service de ce lieu qui a 30 ans d'existence.
Membre du conseil scientifique, Philippe Dujardin, qui a participé à l'élaboration des cinq dernières expositions se dit « consterné » par cet épilogue. « Perdre un atout comme ce lieu est vraiment une catastrophe car il était à la jonction d'un quartier populaire, fréquentation populaire – l'exposition de Jours heureux était à la fois celle qui marchait le mieux et la moins coûteuse de toute – et la qualité des expos était exceptionnelle. De plus ce musée ne concernait pas que le quartier des Etats-Unis mais toute la Métropole et au-delà pour qui s'intéressait à l'urbanisation, la densification ou l'écologie ». Il reproche au CA d'avoir voulu « réduire la voilure alors qu'il fallait du renfort ».
Pourtant du côté de la Ville et du CA, il n'est pas question de laisser le musée fermé trop longtemps. « Avant la fin de l'année, nous reproposerons des visites guidées » annonce Jacques Bonniel en embauchant une personne à temps plein. À plus long terme, différents scénarii de sortie de crise sont à l'étude à la Ville dont le souhait est de travailler avec des acteurs culturels voisins (MJC, centres sociaux...) ou hors 8e arrondissement comme avec le musée Gadagne puisqu'il est le musée de l'Histoire de Lyon.
In fine, un fait réunit tous les actuels et anciens protagonistes : que ce musée survive à cette crise interne et que les visiteurs puissent revenir. La Ville s'en soucie confie Jacques Bonniel, « Grégory Doucet m'a confié son désir qu'il ne disparaisse pas ».