Les voilà, les précieuses sorties cinéma de la semaine du 6 septembre : Toni en famille, Le Château solitaire dans le miroir, Inside et Le Champ des Possibles.
À voir
★★★☆☆Toni en famille
Toni a été il y a vingt ans une éphémère star de la chanson après un télé-crochet. Aujourd'hui mère célibataire de cinq enfants, elle tire le diable par la queue pour tenter de les élever en rêvant de reprendre des études. Entre les doutes et l'énergie réclamée par sa progéniture, la vie n'est pas simple...
On avait vu en 2018 Les Drapeaux de papier (2018), le premier long métrage pro du (jeune) Nathan Ambrosioni — 19 ans à l'époque ! —, histoire douloureuse et intimiste d'un frère et d'une sœur non dénuée d'intérêt, à bien des égards fragile cependant. Le temps a fait son œuvre... et le cinéaste également : Toni, en famille fait montre d'une telle maturité que l'on pourrait mettre au défi n'importe qui de donner un âge à l'auteur. Certes, en gagnant du métier, c'est une part d'innocence et de spontanéité qui se volatilisent. D'où la nécessité de compenser ce surcroît d'assurance en instillant un peu de l'incertitude et du trouble de la vie ordinaire grâce aux dialogues et surtout au jeu brut de Camille Cottin. Interprète du rôle-titre, elle campe sans cabotinage, au seuil du réalisme, cette mère courage s'affirmant sans étouffer les membres de sa couvée — chacun d'entre eux étant bien individualisé. Reliefs de la gloire passée ; désarroi d'une quadragénaire à l'aube d'une nouvelle étape de sa vie, la peinture impressionniste d'Ambrosioni rappelle cette de Sautet autour de Romy Schneider époque Une histoire simple. Ce n'est pas un mince compliment.
De Nathan Ambrosioni (Fr., 1h35) avec Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria...
★★★☆☆Le Château Solitaire dans le Miroir
Jeune collégienne esseulée, Kokoro est aspirée par le miroir de sa chambre qui la mène dans un château fantastique. Une enfant masquée lui apprend alors qu'elle dispose d'un an pour découvrir une cachette lui permettant d'exaucer un vœu. Kokoro n'est pas seule : six autres ados ont la même mission à relever...
Si l'on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire devant ce titre semblant remixer dans un emboîtement audacieux des thématiques souvent abordées dans les anime (notamment chez Miyazaki), celui-ci mérite qu'on franchisse le pas. Car au fur et à mesure que l'histoire se déploie, les enjeux et le contenu dramatiques lui offrent une coloration plus singulière assez captivante : grâce à cette forme de conte fantastique, Keiichi Hara aborde de manière volontariste et très frontale le sujet prégnant du harcèlement scolaire. Oh, il est loin d'être le premier à s'y intéresser — parmi les plus récents, le très beau La Chance sourit à Madame Nikuko en parlait incidemment — mais il place cette problématique au centre des choses en faisant miroiter (si l'on ose dire) une issue accessible et réaliste : la résilience. Abritant quelques twists décelables ainsi qu'une fin en déchire-cœur à la Takahata, Le Château Solitaire dans le Miroir compense par son contenu une esthétique correcte, mais peu innovante.
De Keiichi Hara (Jap., 1h56) animation avec les voix de Shingo Fujimori, Rihito Itagaki, Yûki Kaji...
À la rigueur
★★☆☆☆Inside
Lycéenne d'origine indienne, Sam vit avec sa famille aux États-Unis et tend à s'affranchir de la tradition. Elle s'est aussi éloignée de son amie Tamira qui agit depuis peu comme une zombie, agrippée à une jarre habitée selon elle par un démon. Quand Sam la brise, la malédiction la poursuit. Et Tamira disparaît...
Comme il y eut jadis les films de blaxploitation — des séries B policières horrifiques et/ou fantastiques visant à capter une communauté noire non représentée par le système hollywoodien —, voici peu ou prou une déclinaison à l'attention d'une population ayant ses origines (récentes ou lointaines) issues du sous-continent indien. Jonglant avec une certaine astuce entre la métaphore et la synecdoque, l'idée du contenant/contenu se trouve donc ici déclinée au-delà de la créature monstrueuse claquemurée dans son flacon puisque Sam cherche à s'intégrer le plus possible *au sein* de la société étasunienne, reniant ou refoulant ce qui constitue son héritage et son passé intérieurs. Un jeu de poupées russes rappelant que l'on ne peut fuir ce que l'on est intrinsèquement ; voilà pour la lecture simili-psy. Si l'on considère l'aspect horreur de la chose, on est un peu déçu : l'esthétique visuelle se limite à une photo safranée comme pour marteler l'originalité exotique affichée par ce projet, l'intrigue ne se démarque pas du tout venant et le démon hurle son origine artificielle.
De Bishal Dutta (É.U., 1h39) avec Megan Suri, Neeru Bajwa, Mohana Krishnan...
★★☆☆☆Le Champ des possibles
Instructeur dans la police brésilienne, Daniel a été suspendu après un acte de violence. Sur un coup de tête, il confie son père impotent à sa sœur et roule vers le lointain Nordeste à la rencontre de Sara, une correspondante virtuelle qui a cessé de lui donner signe de vie. Il n'est pas au bout de ses surprises...
Durant les trente premières minutes, Aly Muritiba mène le bal et nous entraîne à la suite de son proscrit au bras dans le plâtre : on ne sait s'il est un un brave gars victime d'une pulsion stupide ou bien un authentique bas du front. Et puis paf ! Générique, changement de décor, quête de l'amour évaporé... avec un retournement improbable sur fond documentarisant (le Nordeste, sa pauvreté, les thérapies de conversion de évangéliques etc.) Il est toujours désagréable d'avoir de l'avance sur le personnage principal, sur le film ; plus encore d'éprouver le sentiment de l'avoir vu une dizaine de fois ailleurs. Pire encore : de ne pas y croire.
De Aly Muritiba (Br.-Port., 2h) avec Antonio Saboia, Pedro Fasanaro, Thomas Aquino...