À voir
★★★☆☆ Une année difficile
Deux amis fauchés et surendettés, Bruno et Albert, croisent par hasard la route d'une association écologiste décroissante radicale. S'ils y adhèrent au départ pour des raisons purement égoïstes, leur parasitisme disparaît peu à peu, gagnés qu'ils sont par des convictions ou des sentiments nouveaux...
Chronique d'un “moment“ de la société contemporaine, Une année difficile traite de l'insoluble problématique “fin du mois/fin du monde“ en l'incarnant avec personnages réalistes — tout en usant de la comédie. En évitant l'angélisme comme l'évangélisme, Nakache et Toledano s'octroient ainsi davantage de liberté pour nuancer leurs personnages et révéler certaines hypocrisies : les discordances entre la parole et les actes existent depuis toujours et les nouveaux prophètes n'y échappent pas. Quant aux deux héros campés par Marmaï et Cohen, ne sont-ils pas représentatifs de ces suivistes essorés et laminés par des lustres de combats perdus, davantage en quête d'un café partagé que d'un Grand Soir illusoire ? Le rire est ici amer, mais loin d'être inexact.
Durant leur tournée d'avant-premières de six mois, les cinéastes ont reçu une volée de bois vert (naturellement) au motif qu'ils tournaient en dérision les militants décroissants, leur cause et leurs actions. Tout légitime qu'il soit, un mouvement ne tolérant pas la critique ni la caricature est aussi peu à même de donner des leçons de démocratie que le libéralisme totalitaire. Souvenons-nous plutôt qu'à l'époque pourtant ô combien bipolarisée de la Guerre froide, les Don Camillo brocardaient sans ménagement les outrances dogmatiques des communistes affidés à l'URSS comme les mesquineries vénielles de la “réaction“ catholique. Et l'on riait (comme l'on rit encore) des situations dépeintes parce qu'elles montraient le ridicule de la nature humaine, point. Autres temps, autres mœurs ?
Un film de Éric Toledano & Olivier Nakache (Fr, 1h58) avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric...
★★★☆☆ Linda veut du poulet !
La bague de Paulette, la mère de Linda, a disparu et la petite fille n'y est pour rien. Malgré ses protestations, elle est pourtant punie... Se rendant compte de sa méprise, Paulette promet de cuisiner le poulet aux poivrons de feu son époux. Problème : elle ne sait pas cuisiner et n'a pas de poulet...
Sébastien Laudenbach avait emballé avec son conte empreint de mélancolie La Jeune Fille sans les mains (2016) réalisé en solo intégral. Tout aussi flamboyant visuellement, Linda veut du poulet ! s'avère un projet collectif, traversé par des sentiments loin d'être anodins pour une enfant : deuil, perte, injustice, besoin de réparation... Autant de grands thèmes que la forme décalée (grâce aux contours mouvants, aux aplats dé-réalisants des personnages) ou le ton enjoué virant peu à peu vers le burlesque contribue à rendre accessibles et certainement pas mortifère. Le vol d'un poulet un jour de grève ou la fête de quartier avec un poulet (un policier, cette fois) à moitié nu dans un arbre ajoutent de la fantaisie à une histoire entre Tati et Queneau. Du beau travail qui mérite largement son Cristal du long-métrage à Annecy.
Un film d'animation de Chiara Malta & Sébastien Laudenbach (Fr-It, 1h16) avec les voix de Mélinée Leclerc, Clotilde Hesme, Laetitia Dosch, Esteban...
★★★☆☆ Les Tourouges et les Toubleus
Sur une lointaine planète, les Tourouges et les Toubleus conservent leurs distances, chacune des deux tribus dissuadant ses membres de côtoyer ceux de l'autre espèce. Pourtant un jour, Édouard-le-Toubleu et Jeannette-la-Tourouge vont devenir amis puis amoureux. Scandale dans les familles !
Cet ensemble de quatre courts-métrages animés à destination des tout-petits ayant en commun d'être puissamment bariolés, est dominé par celui qui donne son nom au programme et constitue une variation sur les thèmes (hélas éternel) de Roméo et Juliette ou des querelles immémoriales façon Rivaux de Painful Gulch signé Morris et Goscinny. Avec ceci de particulier que cette histoire eût pu être écrite par Quentin Blake ou Dr. Seuss : la narration rimée comme une fable accentue d'ailleurs la ressemblance. Les enfants y comprendront aisément qu'une apparence différente n'est pas par principe une menace. Quant aux parents, le film les incitera sans doute à exhumer Petit-Bleu et Petit-Jaune de Leo Lionni de leur mémoire... et donc de leur bibliothèque.
Un film d'animation dès 3 ans de Samantha Cutler & Daniel Snaddon (G-B, 0h38)