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Festivals connexion : « La réalité virtuelle participe du cinéma d'aujourd'hui »
Par Laure Solé
Publié Mardi 27 août 2024
Photo : De gauche à droite : Lise Rivollier, responsable communication et formations, Gala Frécon, responsable des projets VR puis Thomas Bouillon, directeur.
Arts numériques / Thomas Bouillon est directeur de l’association Festivals connexion, Gala Frécon est responsable de diffusion VR. Leur équipe accompagne les festivals de cinéma de la région depuis 2008. Il y a trois ans, ils se sont tournés vers la réalité virtuelle, proposant des espaces VR aux festivals et aux structures culturelles et éducatives. Retour sur des débuts prometteurs.
Comment l’association est-elle née ?
Thomas Bouillon : L’association Festivals Connexion a vu le jour en 2008. Il s’agissait en premier lieu d’un réseau régional (d’abord Rhône-Alpes puis on a ajouté l’Auvergne) ayant pour objectif d’accompagner les acteurs, organisateurs de festivals de cinéma, en mutualisant leurs outils, leur offrant des formations et conseils. Avec le temps, cela aussi permis la mutualisation d’invités, d’éviter les télescopages de dates…
Festivals Connexion est un alliage de manifestations locales et de manifestations de renommée nationale et internationale (dont le festival d’animation d’Annecy, le festival Lumière, le festival des Arcs, les États généraux du documentaire à Lussas, Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand et bien d’autres).
Ensemble on a cartographié et défini ce qu’était un festival de cinéma, qui implique forcément des rencontres ; sur une durée d’au moins 48 heures. Il y a un certain nombre de critères plutôt basiques mais qu’il était nécessaire de poser. On a créé un label dans la foulée, qui a été attribué à 55 événements en Rhône-Alpes par exemple. Aujourd’hui on est plutôt uniques en France même si des réseaux similaires sont en train de se constituer en PACA, Nouvelle-Aquitaine… Cela dépend aussi des territoires et de leur appétence pour le cinéma.
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Comment vous êtes-vous structurés ?
Notre modèle repose sur des subventions, nous sommes financés à près de 60% par la Région et la DRAC. Une répartition qui est en évolution depuis trois ans, la diffusion d’œuvres VR [en réalité virtuelle ndlr] nous offrant un nouveau moyen de nous financer.
Vous proposez des prestations en réalité virtuelle aux festivals de la région ?
Nous ne sommes pas un prestataire privé mais une structure d’intérêt collectif, l’idée n’est pas de faire du profit. On colle au budget de la manifestation, et on laisse les structures s’approprier nos outils et les adapter à l’espace dédiés à la VR.
Comment vous-êtes vous tournés vers la réalité virtuelle ?
Gala Frécon : Cela s’est fait naturellement, les œuvres en réalité virtuelle représentent une part intégrante du cinéma d’aujourd’hui.
Thomas Bouillon : L’idée a germé chez nous en 2018, en observant le dispositif proposé au festival d’animation d’Annecy, qui a été un des pionniers dans la diffusion des œuvres immersives. On a pensé un système clefs-en-main qui incluait la formation, le prêt du matériel, et la mise à disposition d’un catalogue de films sélectionnés par notre programmatrice. Notre expérimentation a duré trois ans, trois ans de retours dithyrambiques, exprimés notamment par les nouveaux publics, plus jeunes.
Gala Frécon : Aujourd’hui, 50% des festivals de cinéma en Auvergne Rhône-Alpes proposent une programmation VR : À Lyon nous travaillons avec Les Intergalactiques par exemple. On sera aussi aux Subs pour le If festival de Kiblind où nous diffuserons (entre autres) le film phare de l’année Empereur, qui a été récompensé à la Mostra de Venise.
Nous œuvrons aussi auprès des structures éducatives et culturelles de la métropole, comme la Maison du livre et du son de Villeurbanne, le réseau des médiathèques, le planétarium de Vaulx-en-Velin où nous avons proposé une œuvre sur les trous noirs. Sur l’année 2023, nous avons monté 37 espaces, avec plus de 15 000 spectateurs, durant 150 journées cumulées.
Avez-vous l’impression que le visionnage de films en réalité virtuelle est en plein « boum » ?
Ces dernières années, la VR a gagné en popularité, en reconnaissance. Le festival d’Annecy a d’abord proposé un visionnage sans compétition et depuis quatre ans, ils ont monté une compétition avec un jury qualifié, qui récompense les meilleurs films. Cannes le fait aussi depuis cette année. Pour l’instant, il existe peu d'événements dédiés à la réalité virtuelle, celle-ci participe toujours d’un ensemble, le plus souvent dédié au cinéma.
Thomas Bouillon : Au début, nous étions vus comme une « animation », et maintenant on entre dans une seconde phase : dans les festivals où nous travaillons nous sommes considérés comme une sélection à part entière, affichée dans les programmes au même titre qu'une séance classique. C’est un très bon signal : les publics vont voir tel film ou tel film plutôt que de faire de la VR pour faire de la VR.
Cette reconnaissance est-elle venue naturellement ?
Gala Frécon : Il a fallu dépasser un certain nombre de clichés, notamment ceux qui associent forcément la réalité virtuelle avec le gaming [la pratique des jeux-vidéo ndlr] ou le divertissement alors qu’on peut y lire une véritable démarche de réalisation. Et puis aussi, il a fallu battre en brèche les clichés de la mauvaise qualité des œuvres, d’un média qui donne mal à la tête : il s’agissait des premiers dispositifs de VR qui ont beaucoup évolué depuis.
Aujourd’hui, une expérience en réalité virtuelle ne donne plus mal à la tête ?
Franchement, non. Certaines œuvres durent 40 à 50 minutes sans problème. C’est important de noter qu’il y a deux types de films : les 360° contemplatifs, et celles incluant des manipulations, qui peuvent devenir fastidieuses, fatigantes physiquement au bout d’un moment.
La qualité des films s’améliore encore, mais on a atteint un niveau très satisfaisant, plus fluide avec moins de grain. Aujourd’hui, je vois surtout un enjeu autour du poids du casque et l’ergonomie de celui-ci car les films deviennent de plus en plus longs.
Ces clichés mettent du temps à disparaître car la seule façon de voir ces films est de se rendre en festival, où les espaces de VR sont réduits. On ne compte pas autant de casques que de sièges dans une salle de cinéma par exemple.
Thomas Bouillon : Dans l’ensemble, il y a des besoins importants dans cette filière, qui nécessitent la détection de nouveaux talents. On compte trop peu de réalisateurs de documentaires, de films d’animation en VR. Il faut encore que des étudiants comme des auteurs puissent se dire qu’ils ont confiance dans les moyens techniques à leur disposition.
Ensuite, on est trop peu nombreux en diffusion. On compte quelques dispositifs muséaux, d’autres qui commencent à vouloir investir les salles de cinéma dans les pays nordiques… Sur la forme que nous proposons en Auvergne-Rhône-Alpes, on est complètement seuls par exemple.
Finalement, il y a un vrai besoin en éducation à l’image auprès des plus jeunes ; il faut replacer la VR dans l’histoire du cinéma, du kinétoscope de Thomas Edison à aujourd’hui. Tout laisse à penser que les casques VR vont rentrer dans les usages des jeunes générations.
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