Dans l'infra-monde manutentionnaire avec Ludovic Villard

Récit / Cinq ans d'espérance de vie en moins pour un ouvrier par rapport à un cadre. Derrière les chiffres, il y a les corps : os, muscles, et ligaments fracassés par la pénibilité des tâches. Et aussi Cartilages, le récit en fragments de Ludovic Villard (alias Lucio Bukowski) sorti aux éditions Castor Astral. 

Si vous n'avez jamais lu la poésie de Ludovic Villard, peut-être avez-vous déjà entendu les morceaux qu'il écrit et rappe sous le nom de Lucio Bukowski. Avec Cartilages, Notes d'intérim, il s'essaie à un nouvel exercice. Écrit à partir de son expérience de journalier dans une société de déménagement, le livre s'offre comme un kaléidoscope de la pénibilité et de la violence sociale, où la poésie n'est jamais loin.  

Comment décrire le contenu de Cartilages en quelques mots ?

Ludovic Villard : Cartilages, ça parle, comme son titre l'indique, d'articulations douloureuses, mais aussi de l'usure psychologique et amoureuse. C'est un ouvrage autobiographique, en très grande partie. Une façon de montrer qu'un boulot aliénant ne touche pas que le physique : il provoque une fatigue générale, qui peut être émotionnelle.

Est-ce de là que découle le choix de cette forme : le récit en fragments ?

Je voulais montrer cette fatigue généralisée, dans le style et dans la forme. J'ai moins ornementé que quand j'écris de la poésie. J'utilise beaucoup de phrases simples, car il n'y a plus beaucoup d'énergie pour écrire. Les ornementations, dans les poèmes que le narrateur écrit, sont une porte de sortie pour tout ce qui a été gardé, accumulé. 

Pourquoi être parti de  la souffrance physique ?

Encore aujourd'hui, la plupart des gens ont des boulots physiques, usants. Et ce sont ceux dont on parle le moins. On publie des romans par tartines sur des couples qui se séparent à Paris... et on ne parle pas du soubassement social, des gens qui maintiennent la société en bossant dans des usines, en nettoyant les bureaux chaque matin, ou en portant des choses. Je voulais montrer à quel point l'usure et l'épuisement sont constitutifs de ce milieu. Dans l'infra-monde manutentionnaire, les gens rentrent chez eux en morceaux. C'est une vie autour de la douleur physique.

Pour citer Lucio Bukowski, dans la chanson Don Quichotte : « J'écris mieux quand mes textes ne paient pas le loyer ».  Faut-il travailler pour écrire des choses qui ont du sens ?

Travailler me parait essentiel du point de vue de la création : c'est propre à chacun, mais je crée mieux en ayant un boulot, une dynamique, et en rencontrant des gens. Et il y a ça aussi : le pouvoir de refuser. Le fait de payer ton loyer, de manger grâce à ton boulot, ça me permet de refuser des choses qui, artistiquement, ne me correspondent pas du tout.

Cartilages, Notes d'intérim de Ludovic Villard, aux éditions du Castor Astral
Rencontre à la librairie Adrienne le 10 octobre à 19h

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