Quand la prouesse physique et technique est au service d'une histoire simple et racontée sans filtre, cela donne Pour le meilleur et pour le pire, deuxième création du Cirque Aïtal, duo de haut vol composé de Victor Cathala et Kati Pikkarainen. Sous chapiteau, sur une piste en terre - la piste aux étoiles est cachée en-dessous et sera dévoilée plus tard - les deux acolytes jouent les amoureux entre disputes, réconciliations et amour infini. Sans paroles mais au rythme des chansons qui passent sur la bande FM dans leur vieille Simca 1000 rouge, ils inventent leur langage, sur la base d'une maîtrise impressionnante d'un porté spécifique, le main à la main : Kati se hisse sur son compagnon pour tendre haut l'antenne de l'auto-radio et mettre fin à ses grésillements puis, habillée en mécano, grimpe au bout d'un mât chinois bricolé à partir du pot d'échappement de la voiture, effectue des plongeons, rattrapée à la seule force des bras par Victor...
Nulle action ne vire à la démonstration de puissance, chacune constitue un élément de ce récit (quasi) muet. Lorsque Victor casse des planches en bois avec son front, c'est n'est qu'une expression de sa colère, sûrement pas un signe de virilité. Entre tendresse et spleen parfois, le Cirque Aïtal livre ainsi un spectacle d'une rare authenticité. Aucun accessoire inutile ne l'encombre. Pas de gigantisme au programme, ni d'envie d'épater la galerie. Au contraire, loin des paillettes de certains cirques, Victor et Kati ont choisi une matière organique, la terre, comme terrain de jeu. Un choix qui en dit long sur leur humilité, cette substance ne leur facilitant pas la vie : elle virevolte, leur colle aux chaussettes ou les salit vraiment lorsqu'elle est mouillée. Mais cette contrainte donne encore plus d'épaisseur à un spectacle qui ne se révèle pour autant jamais cradingue et encore moins hippie.
La lumière (comme la bande son) est même parfaitement soignée, au point que certaines scènes, irrésistiblement cinématographiques, évoquent nettement le Finlandais Aki Kaurismäki (Au loin s'en vont les nuages en tête). Sa compatriote, la petite Kati (1, 56 m, 45 kg et des airs de la Gelsomina de La Strada de Fellini), a trouvé avec Victor (1, 86 m et 103 kg) son parfait équilibre. Et vice-versa. Le splendide finale chorégraphié qui clôt Pour le meilleur et pour le pire en est l'ultime preuve.
Nadja Pobel
Pour le meilleur et pour le pire
Aux Nuits de Fourvière, jusqu'au samedi 13 juillet