Véritable institution cinéphile, Jacques Tati n'en finit plus de revenir sur les écrans, longue panthéonisation d'un auteur qui, à l'exception de Trafic, fort mal reçu par la critique et le public, connaissait déjà de son vivant une reconnaissance quasi-unanime. Après Jour de fête, étrangement rendu à sa version originale en noir et blanc cet été, c'est Mon oncle qui a droit à une restauration soigneusement supervisée par la fille du réalisateur et par le couple Deschamps/Makeïeff, qui ont racheté les droits du catalogue Tati.
Mon oncle (1958) est de fait une des œuvres majeures du cinéaste. Il y reprend son rôle de Monsieur Hulot, dont on avait suivi les Vacances cinq ans auparavant, et y développe ce qui deviendra son thème de prédilection : la déshumanisation induite par le progrès et la modernité. Tati y oppose le couple Harpel, avec sa maison design et son jardin aux motifs géométriques, à Hulot, le Parisien bohème des faubourgs. Au milieu, il y a le jeune Gérard, qui préfère la compagnie de son oncle Hulot à celle de ses parents, ce que le paternel prend plutôt mal.
Si le film est une charge sans ambiguïté contre la technique et le confort bourgeois, cette critique passe toutefois par une fascination totale de Tati envers ce bric-à-brac moderniste, qui lui permet d'élaborer une spectaculaire mise en scène de l'espace, du temps et surtout du son. Cette sarabande quasi-musicale, c'est-à-dire autant rythmique que comique, reste aujourd'hui encore le modèle d'une horde de cinéastes contemporains — de Kaurismaki à Wes Anderson ou, exemple récent, Alex van Warmerdam.
Mon Oncle
De et avec Jacques Tati (1958, Fr, 1h56) avec Jean-Pierre Zola, Adrienne Servantie...