Le paysage n'existe nulle part à l'état de nature. Et ce pour deux raisons : il est une manière de voir ladite nature éminemment culturelle et subjective ; et il est aujourd'hui concrètement presque toujours livré aux constructions et aux interventions humaines (plus ou moins visibles). C'est cette double perspective, la découpe paysagère par l'oeil et la main des hommes, qui court à travers l'oeuvre photographique de Beatrix von Conta depuis ses débuts. Récemment, l'artiste a découvert la Gaspésie au Québec, son «premier voyage dans le nouveau monde et un grand coup de coeur». Cette péninsule de la taille de la Belgique lui ouvre grand ses ciels et ses espaces démesurés, relance son intérêt pour ces paysages investis par l'homme. Dans ses images, extrêmement composées et précises, les routes, les landes, les strates géologiques, les failles, les horizons tracent leurs lignes aiguës, cisèlent la matière, dessinent les terres, les cieux et les eaux...
«J'ai la sensation, écrit l'artiste, que le réel est recouvert d'une peau d'images d'une fragilité incroyable. Et qu'en photographiant ces lambeaux-là, je constitue une impossible "collection" d'instants uniques et précieux que je tente d'extraire de l'oubli à venir. L'homme semble avoir déserté ces paysages-là, pourtant, comme disait Cézanne, "l'homme est absent, mais tout entier dans le paysage"». Comme dans ces quatre images d'une ancienne mine de cuivre, blessure à même la nature, baignée de brume et de pluie, où l'ancienne présence humaine s'étiole en bribes fantomatiques...
Jean-Emmanuel Denave
Beatrix von Conta
Au Réverbère, jusqu'au samedi 26 juillet