Photographie / Avec sobriété, voire humilité, l'exposition Par-delà le paysage réunit six photographes sur la thématique, toujours revisitée et toujours émouvante, du paysage.
Par-delà le paysage titre la nouvelle exposition collective de la galerie photo Le Réverbère. On pressent dès lors qu'il faudrait franchir le pas, aller au-delà d'une ligne d'horizon toujours éloignée et attirante, pousser le paysage à ses confins, si ce n'est lui faire rendre gorge... Et pourtant concrètement, sur les cimaises de la galerie, il n'y a que ça, des paysages. Corses avec François Deladerrière qui, même sur l'île de beauté, décale comme habituellement son regard, trébuche sur de drôles de roches découpées par une route, ou s'alanguit sur un sapin qui a rendu l'âme. Poétiques et presque abstraits avec Pierre Canaguier qui nous élève parmi les lignes blanches d'avions dans le ciel ou les taches poignantes de nuées, quand ce n'est pas dans la transparence d'une cage de foot quasi abandonnée et à travers laquelle on perçoit son unique gardien, un bosquet esseulé. En face de Canaguier, Beatrix Von Conta poursuit ses gammes photographiques virtuoses sur les à-côtés de la ville, les concaténations (jamais trafiquées par un montage) de signes, de plans, d'images, que seule la ville d'aujourd'hui est capable de fournir jusqu'à l'agonie du moindre desiderata de signification. Baroque des messages fous de notre époque à signes.
Couper, ralentir
Oui, il y a aujourd'hui dans nos paysages trop de signes, trop de messages lus, écrits, parlés, trop de mises en garde, trop de promotions sur abonnements, trop de ventes flash, trop de paroles dans un TGV (hauts parleurs des gares, contrôleurs, gérants de restauration...). Alors Frédéric Bellay dit non, stop, ouste, et obstrue ses oreilles lors de ses voyages en train pour regarder dehors, pour regarder ce long travelling de campagnes françaises franchies frénétiquement... Et il en extrait, entre Paris et Lyon par exemple, des sortes de photogrammes d'un film intemporel, celui d'une nature qui ici paraît fluorescente, là s'arrime à sa propre ligne d'horizon, ailleurs perd toute dureté matérielle entre deux eaux... Aller par-delà le paysage (en train, en marchant, en aimant, en pensant...) c'est donc tout simplement y rester pour le démultiplier, le diffracter, le re(dé)composer. Il y aura toujours à l'horizon une ligne qui coupe le regard (comme dans Un Chien andalou), l'angoisse et l'attire. On restera séparé du paysage, du lieu, des racines, et notre mélancolie produira, par là, de belles images, de beaux trajets imaginaires.
Par-delà le paysage
Au Réverbère jusqu'au 28 décembre