L'opéra de Lyon programme "Idoménée", une œuvre de Mozart étonnamment peu jouée. Un bon choix, même si la tiédeur et les partis pris de cette production laissent pour le moins songeurs... Pascale Clavel
Opéra en trois actes de Mozart, Idoménée est gorgé d'une musique d'une délicieuse saveur. Hélas, l'œuvre brille beaucoup moins dans les maisons lyriques qu'un Don Juan, qu'un Cosi ou qu'une Flûte enchantée. Sans doute parce que le compositeur y pousse l'opera seria jusqu'à son point de rupture, à la faveur d'une écriture pour orchestre si époustouflante qu'elle tient de l'expérience, les audaces musicales se succédant les unes après les autres.
L'intrigue a toutefois elle aussi son importance, comme toujours chez Mozart. Idoménée est construite comme une poupée russe : le merveilleux cache une parabole, qui cache elle-même une réflexion sur le pouvoir, qui cache à son tour un laïus sur la force de l'amour... Soit Idoménée, roi de Crète qui, ayant fait vœu, lors d'un naufrage, de sacrifier le premier homme qu'il rencontrerait, se voit dans l'obligation de condamner à mort son fils Idamante, aimé de la princesse troyenne Ilia. Idoménée essaie de faire échapper Idamante au supplice, mais Neptune, irrité, envoie un monstre marin pour dévaster le pays. Résigné à sacrifier son fils, le roi voit arriver Ilia, prête à mourir avec celui qu'elle aime. Touchés, les dieux finiront par accorder leur grâce et les hommes entonneront un hymne de joie et de reconnaissance.
Comment stéréotypé Idoménée ?
Sur scène, le décorum mythologique laisse place à des hommes en tenue militaire et armés de mitrailleuses. Mauvais timing. Et puis le noir et l'arme à feu pour représentation du mal, c'est un peu simpliste, vu et revu. Tout au long du spectacle, le metteur en scène Martin Kusej va ainsi de clichés en clichés, de ces murs immenses où chacun court s'appuyer pour reprendre ses esprits à ces trop nombreuses ouvertures paraboliques (passages secrets, passages initiatiques, labyrinthes obscures...). Bref, côté dramaturgie, on reste grandement sur notre faim.
Le vrai plaisir vient de l'orchestre, au son charnu et raffiné, dirigé par un Gérard Korsten qui voudrait bien tout sauver. Côté distribution, des hauts, des bas. L'Idamante de Kate Aldrich souffre d'un médium peu sonore et d'un jeu incompréhensible : pourquoi, diantre, se tient-elle les bras raides et les poings serrés du début à la fin de l'œuvre ? Heureusement, Lothar Odinius brosse lui un portrait convaincant du roi de Crête grâce à sa belle présence scénique, doublée d'une voix large et ronde qui passe par tous les registres de l'expressivité. Quant au chœur, il fait des merveilles, achevant de révèler une musique d'une élégance et d'une profondeur inouïes.
Idoménée
A l'Opéra de Lyon jusqu'au 6 février