Paul Raguenes a réuni au sein de sa galerie trois artistes féminines, héritières peu ou prou du minimalisme au sens large. Et autant d'univers éthérés à découvrir...Jean-Emmanuel Denave
«Less is more» lâchait en une célèbre formule l'architecte Mies van der Rohe. «Moins c'est plus», donc, selon les minimalistes... A tel point qu'à la galerie Snap, on ne sait plus trop ce qui relève de l'œuvre, des lieux ou du hasard, tant les gestes artistiques se révèlent souvent discrets, jouant même sur l'idée de trace et d'absence ! Deux blocs de polystyrène se font face par exemple, creusés seulement de l'empreinte d'un os humain. «Ces pièces font partie d'une série en cours, explique Nadia Guerroui, et forment comme une archéologie du futur. Ces empreintes de clavicule et de fémur évoquent une époque fictive où les derniers os humains auraient disparu.» A proximité, la jeune artiste belge expose dans un coin de mur Beam Split, petite sculpture de papiers de couleur formant une sorte d'arc-en-ciel. Ailleurs, c'est un simple filet de pêche créé à partir d'un fil iridescent qui descend d'un plafond, à peine visible. «Je l'ai réalisé à la main comme une écriture cursive... C'est une sorte de référence à un objet insaisissable qui permet paradoxalement d'attraper d'autres objets, d'autres choses.»
Mais où est passé l'objet ?
De manière générale (on vous conseille de découvrir son travail sur son site : www.nadiaguerroui.com), Nadia Guerroui explore l'idée de quasi-disparition de l'objet, de sa présence réduite à quelques perceptions sensibles fugaces... Ses installations ou ses sculptures brouillent ainsi les frontières entre le sujet, l'objet et leur environnement.
La Lyonnaise Perrine Lacroix opère quant à elle plutôt par métonymie et prélèvement d'objets dans le réel pour évoquer un univers plus large : une grille extérieure de cellule ou des câbles métalliques de cour de prison pour figurer le milieu carcéral par exemple. Ou encore quelques lignes tracées sur du papier calque pour donner forme et trace mémorielle à la détention de la résistante Berty Albrecht.
Dans un registre un peu plus cocasse, l'artiste allemande Ninakarlin Prinz réalise des peintures abstraites que l'on pourrait qualifier de trompe-l'œil. Il ne se trouve en effet guère de peinture sur ses tableaux mais des objets (affiches, livres, plans de villes...) cachés derrière la toile de manière à leur donner une allure de blocs picturaux. Il est amusant alors de penser que l'objet réel fait son retour au sein de "peintures" censées n'avoir aucune référence figurative avec la réalité !
En sortant de la galerie, nous vous conseillons de traverser la rue pour découvrir à travers la vitrine d'art contemporain de Bikini une œuvre de Pierre Labat intitulée «les circonstances», manière de compléter ce petit parcours d'héritiers du minimalisme.
Never Been - Nadia Guerroui, Perrine Lacroix et Ninakarlin Prinz
A la galerie Snap jusqu'au 28 février