Il rêvait de voler. Mais loin de lui donner des ailes, ce désir a mené Birdy dans un hôpital psychiatrique où son ami lui raconte leurs souvenirs d'enfance pour le ramener à lui. A partir du roman de William Wharton, Emmanuel Meirieu produit à nouveau un théâtre coupant. Nadja Pobel
Comme dans De beaux lendemains et Mon traître, il fait sombre dans Birdy. Mais la pénombre est teintée d'un rouge qui distingue d'emblée ce spectacle des deux précédents. Et puis nous ne sommes pas dehors, par un froid glacial et en plein deuil, mais dans un hôpital psychiatrique dont la hauteur irréelle des murs dit à quel point il tient prisonniers ses patients.
Dans ce décor inspiré de l'expressionnisme allemand et signé du sculpteur Victor Caniato, Al parle sans discontinuer à son ami Birdy, homme-oiseau recroquevillé sur un semblant de branche, une tige métallique qui lui sert de refuge. Il lui raconte leur enfance, pour lui redonner un peu de lueur et lui faire croire que la vie, fut-elle sur terre, sur cette basse terre, vaut la peine du moment qu'ils sont ensemble.
Emmanuel Meirieu dit avoir voulu faire son «film américain», en hommage aux idoles qui ont agrandi le domaine de ses rêves (de Rob Reiner à Steven Spielberg). Il y a glissé quelques chansons a cappella et fait appel à des comédiens qu'il connait bien, avec lesquels il dessine depuis le début des années 2000 sa cartographie théâtrale : Thibaut Roux (vu dans Othello, Baby King, The Night Heron), Stéphane Balmino (le fils de Tyrone Meehan dans Mon traître) et son indispensable acolyte, notamment dans son travail assez colossal d'adaptation, Loïc Varraut.
Envergure et ampleur
Habitué aux monologues, Meirieu sait l'impact que la parole peut avoir, même (surtout ?) si elle est répartie de façon disproportionnée. Il sait aussi comment redoubler le récit avec des effets sonores et visuels qui se fondent dans la scénographie et l'environnement du spectacle, à l'instar de ces cris de prionniers-internés qui résonnent au loin.
Tout est donc une fois de plus réuni pour que l'émotion affleure, derrière les bandelettes qui recouvrent le visage mutilé de Al et la pâleur surnaturelle de Birdy. Pour autant, la patte Meirieu n'est pas une mécanique trop huilée, qui extrairait de chaque nouveau roman des perles de larmes. Au contraire, tout est chez lui d'une salutaire sincérité. Avec Birdy, il continue ainsi à explorer le champ de l'enfance, ses petites souffrances et ses grands espoirs, mettant «des points et des majuscules» pour répondre à son «besoin d'ampleur», comme il le dit lui-même beaucoup de justesse.
Après cette pièce, son troisième spectacle dédié au verbe, il reviendra à un silence tel que chaque mot qui en sortira «sera un événement» promet-il, avec une version contemporaine du mythe de Pinocchio.
Birdy
Au Radiant-Bellevue mardi 7 avri