22, rev'là les... vingt-deux acrobates de la compagnie XY et leur dernière création, "Il n'est pas encore minuit...". L'un des triomphes de la dernière Biennale de la danse, littéralement vertigineux et moins désinvolte qu'il n'y paraît. Benjamin Mialot
«Citius, Altius, Fortius.» «Plus haut, plus fort, plus vite.» C'est la devise des Jeux Olympiques, telle que la formula Pierre de Coubertin en 1894. Ce pourrait être celle de XY, compagnie lilloise versée dans l'art à hauts risques du porté acrobatique dont elle n'a de cesse de repousser les limites formelles et spatiales depuis sa fondation en 2005. Sa nouvelle création la voit franchir un nouveau palier : présentée en avant-première à la prestigieuse Biennale de la danse, où elle fut unanimement acclamée, Il n'est pas encore minuit... met en scène pas moins de vingt-deux costauds et voltigeurs.
Cette force numérique est d'abord, évidemment, un facteur de multiplication. Multiplication des hauteurs – en fait de "pyramides humaines", il faudrait ici parler de "points culminants humains". Multiplication des distances – en particulier lors d'une suite de propulsions par "planches sauteuses" digne d'un jeu de plates-formes. Mais aussi multiplication des possibilités d'interaction, le spectacle s'équilibrant entre ascensions synchronisées et cabrioles faussement désordonnées, délicates mises en péril en petit comité et crises de hardiesse collectives pendant lesquelles tout le monde s'envoie en l'air dans la bonne humeur.
Ensemble c'est tout
Mais elle est également l'expression d'une véritable intention citoyenne, inscrite dans l'ADN même de la troupe. Car la maxime que se sont choisie Abdeliazide Senhadji et Mahmoud Louertani, les bâtisseurs en chef de ces instables édifices de chair, est en fait la suivante : «Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.»
Toute entière contenue dans le final de la pièce, où le groupe s'agglutine en un organisme qui n'hésite pas à phagocyter les individualistes, elle éclaire rétroactivement un spectacle dont les sommaires apparats (tenues de ville pré-Grande Dépression, éclairage cru, chorégraphies limitées à quelques pas de swing et de gentilles rixes) laissaient présager une "simple" débauche de virtuosité.
Alors que chaque déplacement d'air, du moindre soupir de soulagement au salto le plus sophistiqué, y charrie un bout de plaidoyer pour la solidarité et la mixité. De quoi, même en nous laissant le souffle coupé, rendre l'époque un peu plus respirable.
Il n'est pas encore minuit...
Au Théâtre de Villefranche mardi 26 et mercredi 27 mai