L'apprentissage du deuil (la perte d'un être cher, une maladie, un exil...) qui parcourt les ouvrages de Brigitte Giraud depuis la parution de La Chambre des parents en 1997 est encore au cœur de son dernier roman, Nous serons des héros. Années 70, Olivio et sa mère quittent le Portugal de Salazar pour trouver asile en France chez des amis. Si le gamin ne comprend pas pourquoi (le père a été arrêté par la police politique) et serre comme un vestige son chat Oceano, elle sait qu'adopter une autre langue, trouver un travail, s'enticher d'un autre homme est le seul destin que lui a laissé sa patrie en proie à la dictature.
La France, qui avait été la terre d'accueil de la petite Brigitte Giraud quittant l'Algérie (J'apprends) est ici racontée avec bienveillance. C'est là qu'Olivio grandit et s'émancipe jusqu'à aller seul voir ce Portugal enfin libéré par la douce Révolution des œillets. Sans jamais surligner les bornes historiques de son récit, Brigitte Giraud sait donner de l'ampleur à ce sujet déchirant du déracinement par la description de non-événements, furent-ils aussi banals que le débarrassage d'une table ou aussi attendus que le douloureux retour au pays d'Olivio – plus tout a fait de là-bas, c'est ici qu'il avance, grâce notamment à l'école qui, comme souvent chez l'auteur, tient un rôle fondateur. Et Brigitte Giraud de laisser entrouverte avec une grande délicatesse la porte de l'intime de cet enfant transbahuté, devenu adulte par ses seuls mots.
Brigitte Giraud
À la librairie Passages mardi 8 septembre, à Decitre le 16 et à la librairie Lucioles, Vienne, le 17
Nous serons des héros (Stock)