Chaque édition d'À Vaulx Jazz donne l'occasion de rappeler combien fécondes peuvent être les noces entre ce genre musical et le cinéma, combien intacte demeure leur complicité.
L'un et l'autre nés à la fin du XIXe siècle, ces deux vecteurs d'expression populaire ont prospéré en marge dans les rues ou les foires, avant de se tailler leur place parmi les disciplines artistiques considérées comme ”nobles“. On en arrive même à un formidable paradoxe aujourd'hui, où tout film pourvu d'une bande originale jazzy se trouve d'emblée doté d'une aura de raffinement vintage, voire d'un brevet d'intellectualisme woodyallenien ! Parfaites girouettes, les mentalités ont une stabilité comparable aux gouvernements de la IVe République...
Quatuor de choc
Justement, parmi les quatre films retenus dans la programmation de cette année figure un classique de cette époque : Rendez-vous de juillet (1949). Signé par Jacques Becker, le Howard Hawks français, ce film aspire l'air ambiant autant qu'il s'en inspire — en particulier celui des caveaux jazz ayant fleuri après la Libération à Paris. Révélant les comédiens Maurice Ronet et Nicole Courcel, il a aussi le flair de capter les notes du jeune Claude Luter et de ses “Lorientais”.
Revendiquant en musique des goûts éclectiques (« de Duke Ellington à Stravinsky, avec des détours par Brassens et Ferré » confie-t-il à Quais du Polar, dont il fera partie des invités de prestige en avril), Bertrand Tavernier a cependant manifesté un tropisme certain pour le jazz. Autour de minuit (1985) vient spontanément à l'esprit, mais À Vaulx Jazz a préféré jouer la carte de l'originalité en montrant son documentaire corréalisé avec Robert Parrish, Mississippi Blues (1983). Un court film "fleuve" sur les racines de cette musique qu'il aime — et qui vient de là.
En 2014, Damien Chazelle avait stupéfié Cannes, puis halluciné le public par le tempo de Whiplash. Construit comme un thriller, ce film mené à la baguette dépeint l'affrontement entre un mentor aussi sadique que pervers et un apprenti batteur, bien décidé à le faire plier. Renversements de situations et syncopes musicales à foison dans le final digne d'un duel de western.
Une reine morte tout juste couronnée conclut la sélection. Récent lauréat de l'Oscar du documentaire, Amy (2015) d'Asif Kapadia retrace le parcours éthylico-tragico-fulgurant d'Amy Winehouse, dernière diva auto-détruite de la soul music. Voix noire, corps (malingre) blanc, la chanteuse (à l'âme) déchirée et au chignon choucrouté s'est consumée en quelques mois d'intense célébrité. Si son mystère demeure vivace, sa légende continue à (en)chanter. VR
Jazz et Cinéma, dans le cadre du festival À Vaulx Jazz
Au Pathé Carré de Soie du 7 au 14 mars
www.avaulxjazz.com