Restaurant / Arnaud Laverdin et Rémy Havetz, qui régalent depuis trois ans à La Bijouterie, ouvrent à deux pas leur nouveau restaurant. Au programme : la même cuisine cosmopolite, des petits plats explosifs et des desserts toujours aussi barrés.
On a croisé la première fois Arnaud il y a trois ans : sa Bijouterie venait d'ouvrir, et il maniait un fumoir, rempli de chocolat noir, en pleine rue Hippolyte Flandrin. Ce grand tatoué représentait mieux que quiconque la nouvelle cuisine lyonnaise, décomplexée par ces chefs trentenaires, souvent descendus de chez Têtedoie (comme ses ex-collègues, désormais à la tête des Apothicaires ou de l'Établi), pour cuisiner plus près de la rue.
La Bijouterie, avec ses dimsums déjeunatoires et son menu unique du soir connut rapidement le succès. En deux ans, il a été rejoint par Thomas Pezeril (un ancien de chez Pic) en cuisine, Matteo Bonatto aux bouteilles, et Rémy pour le sucre. « La Bijouterie marchait bien. Je me suis rappelé que partout où je m'étais déchiré pour des chefs, ça se finissait de la même manière : une poignée de main, "merci au revoir". Aussi, j'ai eu envie qu'on puisse continuer, penser la prochaine étape ensemble. » Sans pour autant fermer leur permier resto (qui reste ouvert avec Thomas aux fourneaux), c'est donc tous les quatre qu'ils ont échafaudé leur nouveau "rêve" (Sapnà en hindi) dans l'ancien local de Bones & Bottles. Entièrement rénové, l'espace s'articule désormais entre une première salle, blanche à carreaux de métro bleus, ouvrant sur la cuisine, et une seconde, verte et rose bonbon, donnant sur un bar à dessert. Ici œuvre Rémy, qui assemble des sucreries aux intitulés pour le moins étonnants : panacotta, levure de malt, pomme et... nougatine de bacon, ou sorbet aux herbes, shichimi et... mayo sriracha. De la provocation gratuite ? Le jeune barbu, passé chez Ducasse, s'en défend : « j'ai toujours aimé les saveurs salines dans les desserts. Ce que je sers ici, c'est ce qui me plaît et qui fonctionne. Boudin noir et pomme ça matche, bacon et tatin c'est pareil. À La Bijouterie, je servais un dessert à la clémentine et à la peau de poulet, suivi d'une association plus classique. À la fin du repas, les gens ne me parlaient que du premier, c'est ça qu'ils avaient adoré. »
Au déjeuner, Arnaud voulait proposer des bao burgers, des pains briochés cuits à la vapeur et farcis. Pour l'instant, l'idée s'est heurtée à la réalité matérielle : « ça s'est avéré trop compliqué pour cinquante couverts, mais on va bientôt y arriver. » On l'espère, puisqu'on en a goûté un tout simplement délicieux, garni d'un pavé de cabillaud frit dans une panure ultra-légère noircie à l'encre de seiche, et tartiné de sauce gribiche. Le reste de la carte confirme l'appétance d'Arnaud pour les saveurs asiatiques. Il ne se contente pas de servir d'excellents gyozas farcis aux champignons noirs et pâte de haricots fermentés. Ses petites assiettes font se rencontrer les ravioles de Royans et les shiitake, les graines d'acacia et le daikon takuan, le freekeh (blé vert marocain) et le mascarpone, la langoustine bretonne et la pâte de piment coréenne.
Le soir, il faut venir à plusieurs pour explorer, faire passer, et partager, les seize options. Parmi lesquelles d'ingénieux spaghettis de patate nageant dans un fumet d'arêtes, miso et thym. En fin de repas, quelques chanceux pourront s'installer au bar, où Rémy distribue les guimauves au mezcal, les caramels au saindoux, et expédie sous vos yeux ébahis un superbe moelleux à la pâte de citron confit, praliné au sarrasin grillé et kiwi, saupoudré de beaufort rapé. Côté liquide, c'est Matteo (resté à La Bijouterie) qui a sélectionné la vingtaine de flacons bio et accessible, comme l'excellent Un Litro toscan de Foradori (5€ le verre) ainsi qu'une longue liste de bières, comme la Tom&Co de la rue des Capucins (7€).
Sapnà
7 rue de la Martinière, Lyon 1er
Ouvert du mardi au samedi de midi à 14h et de 19h30 à 23h