Théâtre / Nommés début janvier à la tête du théâtre du Point du Jour après un long suspense, Angélique Clairand et Éric Massé précisent leur projet : profondément axé sur le territoire.
Gérard Collomb n'aura finalement pas cédé aux sirènes de Claudia Stavisky qui souhaitait faire du Théâtre du Point du Jour une annexe des Célestins. C'est lui qui, le 31 janvier, a introduit le baptême du feu d'Angélique Clairand et Éric Massé sous les ors de la République adoubé par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes dont le directeur Michel Prosic a rappelé que ce théâtre avait « une ampleur locale, métropolitaine, nationale et internationale » et qu'il était une « marque de fabrique ». Jean-Louis Martinelli, Gwenaël Morin et plus encore Michel Raskine ont effectivement fait l'histoire et la renommée de ce lieu d'une taille intermédiaire rare à Lyon (280 sièges), au croisement des Scènes Découvertes et des grands plateaux. D'où le fait que ce lieu fut l'objet de la convoitise de 51 candidats puis de six "short-listés".
Aucune création à l'ordre du jour
Les vainqueurs ont, selon M. Prosic, étayé leur propos en quatre mots-clés : la diversité, le réel, l'humain et le territoire. Leur collaboration entamée dès leur sortie de l'École de la Comédie de Saint-Étienne avec la création de la compagnie des Lumas a déjà 19 ans et témoigne de la maturité de leur projet qu'ils ont énoncé à deux dans une parfaite répartition de la parole. Associés au CDN de Valence, Éric Massé vient avec son acolyte d'y créer De l'Eve à l'eau (aux Subsistances du 22 au 24 mars). Ces dernières années, à Lyon, il est venu avec des spectacles décevants et démonstratifs (Mujer Vertical et un Tartuffe "nouvelle ère" ) nous laissant plus que sur notre faim. Probablement que Mujer Vertical sera reprogrammé en intérieur et aussi La Bête à deux dos (très joli travail sur le désir par Angélique Clairand) en extérieur.
Mais aucune création n'est à l'ordre du jour pour une première saison qu'ils doivent boucler en quelques mois et présenter au public en juin. Une douzaine de spectacles seront à l'affiche (pour environ 70 levers de rideau) dont ceux des deux artistes associés : le prometteur collectif Marthe (présent... aux Célestins en mai avec Le Monde renversé) et la compagnie Y d'Étienne Gaudillère. Ce dernier est également largement soutenu par le théâtre de Villefranche et était cet été au In d'Avignon avec Pale Blue Dot sur l'affaire Wikileaks.
Six autres spectacles seront en itinérance sur le territoire : ce sont les Nomades car note Éric Massé, « nous disposons certes d'une grande salle mais il n'y en a qu'une donc quand des artistes répètent nous irons dans les lycées, centres sociaux, lieux de culte... » En miroir, tous les lundis, ce sera « "théâtre public" pour que des manifestations par exemple des centres sociaux se passent au théâtre, que des groupes de travail puissent circuler avec des ateliers, des rencontres sur mesure... » Autre ambition : développer des créations partagées avec des habitants rencontrés préalablement et mêlés à neuf auteurs (un par quartier du 5e arrondissement) pour travailler d'après ce qu'ils observent sur leur territoire. Eux-mêmes porteront le premier projet de ce modèle calqué sur les écritures de série avec des pôles d'auteurs. Il sera inspiré du film de Robert Altman, Short cuts. Une collaboration pourrait s'envisager avec le département écriture de l'ENSATT.
Enfin, deux autres lignes directrices ont également été annoncées. Il s'agit des "grands reporters" : sur une semaine seraient invités un journaliste, un photo-journaliste, un metteur en scène et un interprète pour travailler sur un sujet d'actualité (l'auto-censure, l'auto-défense...) et confronter ainsi le temps court de la presse au temps plus long des artistes afin de « questionner le réel » sous forme de conférences, expositions... Les "ultra sensibles" concernent « des expériences innovantes sensorielles, comme le précise Éric Massé. Si on accueille un spectacle autour de la surdité, on peut proposer de faire une dégustation les yeux bandés. » Ce projet entre théâtre et associations se développera « dès les premiers mois mais surtout tout au long des trois ans de mandat. »
Il ne reste donc plus qu'à aller voir la transformation de ces projets socio-culturels qu'ils appliqueront durant leurs trois ans de mandat, renouvelable, et surtout de prendre connaissance de ce qui artistiquement sera (ou non) la sève de ces prochaines années au Point du Jour.
Plus d'infos sur le site officiel du Théâtre du Point du Jour