Lumières en circuit court

Lumières en circuit court

Fête des Lumières / Dans les airs, en ribambelle ou plaquées aux murs, les œuvres de Christophe Martine, des Theoriz et Erik Barray illumineront encore cette Fête des Lumières et s'installent sur les lieux phares des festivités après en avoir épousé les contours. Gros plan sur les parcours remarquables de ces locaux.

Point de Damien Fontaine ou de Daniel Knipper lors de cette dernière édition de l'ère Collomb. Il y a bien Cozten sur la colline de Fourvière et dans l'Hôtel de Ville — le second étant aussi prometteur que le premier ennuyeux — mais deux des lieux phares (Bellecour et Saint-Jean) sont confiés à des artistes qui ont grandi, voire sont nés, avec cet évènement qui rassemble désormais presque deux millions de visiteurs.

Théoriz en pratique

En 2011, David Chanel et Jonathan Richer sortent de l'école supérieure de chimie physique électronique de Lyon et, dans le cadre des projets d'arrondissements (sabrés par les plans de sécurité post-attentats de 2015), se réunissent en Théoriz Studio pour réaliser Pacmanize-me sur une petite place méconnue derrière la Part-Dieu. Ils invitent les spectateurs à jouer à ce module pionnier des jeux vidéo en déplaçant leur main dans les airs. Place Bahadourian, sur le mur des Lyonnais, sous la voûte Perrache pour un voyage cinématographique, aux musées Gadagne... ils posent leurs projections et installations partout, tutoient même les Terreaux en 2014, associés aux Terres de Lumières menés par Gilbert Coudène. Cette année, les voici dans le saint des saints-(Jean).

Souvent très réussis voire éblouissant (indépassable ?) avec Ez3kiel en 2016, les travaux sur la primatiale sont devenus les points d'orgue de cette Fête pour peu que le goulot d'étranglement pour y parvenir permette encore de l'apprécier. Jean-François Zurawik, dont c'est la dernière année comme directeur artistique de la Fête, précisait il y a quelques jours qu'il n'est plus question ici de « narration sur les bâtisseurs de cathédrale mais de faire découvrir l'architecture en travaillant sur les couleurs et le design graphique ». Avec Genesis, le studio Théoriz ambitionne rien moins que de revenir sur les origines du monde, de la création des astres et l'apparition de l'eau et la végétation avant l'entrée dans l'ère humaine de l'industrialisation jusqu'à l'ère digitale qu'ils maîtrisent de mains de maîtres.

Les cerfs-volants de Christophe Martine

Perchées dans les airs du pont Masaryk (oui dans le 9e, un autre projet d'arrondissement) en 2011, les luminéoles de Christophe Martine ont fait école. Parapentiste, le Chambérien devenu Ardéchois a très vite transmis son émerveillement pour l'aérien, que ce soit par des baptêmes de l'air ou par sa société Porté par le Vent via laquelle, dès 2002, il propose des ateliers de fabrication d'objets (éoliennes...). En 2011, pour la Fête, il adjoint la lumière à ses cerfs-volants qui s'ébrouent au-dessus de nos têtes même en l'absence de vent grâce à l'hélium.

Depuis, ses animaux ont illuminé les terrasses de la Guillotière, la place de la République (les Pikooks en 2017) et même la Tête d'Or en 2014, où il proposait un spectacle complet sur l'eau et dans les arbres, échassiers compris, avec déjà ses Amours en cage installées rue de la République. Dans deux zones, entre la place de la République et les Cordeliers, sous dix arbres, en s'approchant du tronc, « la lumière changera et un son sera émis » nous explique-t-il. Et voici ses installations devenues interactives. Mais c'est surtout place Bellecour qu'il fera flotter ses poissons de tailles différentes qui deviendront des hirondelles en cas de pluie. Elles domineront une prairie de 500 pampas posées au sol par le collectif TILT, habitué à la Fête puisque ses lampes de poches, de bureau, de chevet ont régulièrement élus domicile sur les places lyonnaises. Christophe Martine partira ensuite voyager à Bogota et à Cergy pour des projets de différentes dimensions. La Fête des Lumières lui a ouvert les portes d'un champ d'activité qui représente aujourd'hui les trois quarts de son temps et un but constant : « permettre aux gens de rêver ».

Naissance des ponts avec Erik Barray

Erik Barray n'était pas non plus destiné à participer à ce barnum lumineux. Pourtant depuis 2013, ce vannier tisse osier et lumière pour dessiner des parcours ou animer des lieux clos (Cour de l'Hôtel de Ville en 2017, place Pradel précédemment). Au-delà de ce qu'il montre, il mène un travail en amont, souvent collaboratif, avec des lycéens ou des personnes âgées comme cela a été le cas pour les Lucioles qu'il présente cette année. Non pas que toute cette préparation leur soit déléguée mais ils y sont associés pour donner du « sens » à son geste comme aime à le dire celui qui la moitié de son temps conçoit des installations land-art pour des parcs, notamment.

Dans ce déluge de spotlights de la Fête, Erik Barray revendique son « minimalisme », l'utilisation de circuits courts, le jeu sur le clair-obscur et les ambiances « entre chien et loup ». Ses lianes reviennent pour la seconde année consécutive, montée du Gourguillon, et 500 lucioles vont éclairer le cheminement jusqu'à la Tête d'Or. Du pont Morand à de Lattre de Tassigny, des cocons se cachent dans les platanes en contrefort des berges puis il s'agit de descendre le long de la piste cyclable, observer ces insectes jusqu'à l'essaim final du pont Churchill.

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