Art Contemporain / Treize artistes issus du continent africain, ou inspiré par lui, ont pris leurs quartiers chez Manifesta, galerie hybride qui a invité la foire parisienne AKAA. Une exposition réussie qui bouleverse quelques idées reçues.
La première fois qu'on a poussé la porte de Manifesta, on a été comme subjugués par ce lieu hybride composé de différents espaces qui ressemblent tour à tour à un bureau ultra design, à un appartement aux lignes résolument contemporaines et à une galerie décidée à rendre accessible la création contemporaine au public et aux entreprises. Une visite qui donne le vertige et qui mérite une explication de texte. En imaginant Manifesta, Céline Melon et Marie Ruby souhaitaient sortir des carcans d'une galerie classique. Elles ont par conséquent composé un lieu de rencontre entre le public et des institutions, foires et galeries peut enclines à exposer en "province" pour les plus Parisiens ou en "région" pour les moins snobs. La fracture entre nous et la capitale est réelle dans bien des domaines et l'art contemporain n'y échappe pas. Alors quand une foire parisienne décide de venir à nous avec dans ses bagages des artistes et œuvres visibles pour la première fois en France, on ne se fait pas prier pour s'y rendre.
AKAA c'est quoi ?
AKAA, pour Also Know As Africa, est une foire d'art contemporain et de design centrée sur l'Afrique, dont la cinquième édition aura lieu en novembre à Paris au Carreau du Temple. Ce rendez-vous annuel montre une Afrique aux visages multiples avec des œuvres imprégnées de l'actualité du continent et des problématiques sociétales qui font écho aux mouvements de libération de la parole et à Black Lives Matter. Pour sa venue à Lyon, AKAA a voulu transmettre la réalité d'une Afrique contemporaine émancipée des représentations des Noirs dans les arts visuels.
Ici, l'Afrique et ses descendants nous regardent droit dans les yeux à l'image des peintures de Zanele Muholi ou de Eniwaye Oluwayesi. La première, connue pour ses autoportraits photographiques s'essaie ici à la peinture avec une série d'autoportraits qui questionne le genre et l'intime. Le second présente une série de portraits captivants aux visages charismatiques d'où émanent une certaine sérénité. Sous le masque de cette quiétude apparente se cache les réflexions de l'artiste sur les injustices et l'exclusion des minorités comme des personnes noires albinos.
Le féminin en question
Les femmes artistes occupent une place centrale dans cette exposition. Leurs œuvres questionnent l'émotionnel féminin avec la peinture Village Unhu de la Zimbabwéenne Kresiah Mukwazhi qui exposera en 2022 à la Biennale de Venise. La visite se poursuit à l'étage avec la Jamaïcaine Shoshanna Weinberger qui dépouille la beauté idéalisée du corps féminin par un travail de gouache, d'encre et de collage. La Nigériane Temitayo Ogunbiyi explore quant à elle la pluralité culturelle à travers une série de dessins délicats qui font fusionner coiffures traditionnelles nigérianes et éléments botaniques. Au rez-de-chaussée, dans l'écrin d'une pièce aux murs boisés, l'impressionnante Burquafacette de Maya-Inès Touam met à mal notre perception de ces silhouettes ostensibles. Les corps des femmes dissimulés se mue en une installation aussi clinquante que poétique.
Imaginaires émancipés
À Manifesta du vendredi 28 mai au vendredi 16 juillet