Camille est sans aucun doute ce qu'il est arrivé de mieux à la chanson française ces dernières années. À l'occasion de son concert à la Bourse du travail, retour sur le parcours de cette artiste atypique et prolifique en dix titres. Aurélien Martinez
Les Ex
(album Le Sac des filles)
L'histoire raconte que Camille a validé son stage de fin d'études à Sciences-Po Paris en 2002 avec l'enregistrement du Sac des filles. Un premier album agréable mais pas forcément révolutionnaire, sur lequel l'auteure-compositrice fait néanmoins preuve d'un certain talent dans l'écriture. En témoigne le titre Les Ex, construit en allitérations : «Tu m'exaspères avec tes ex / Avec tes ex à deux vitesses [...] / Mais je sais / Que les ex c'est sexe c'est sexy». Si la version studio n'est pas déplaisante, c'est en live que le morceau prend véritablement toute sa force. Comme tout l'univers de Camille.
Seeing Is Believing
(album Ennemy & Lovers de Scratch Massive)
Jean-Louis Murat, Gérard Manset, Sébastien Martel... Dès le début de sa carrière, Camille a collaboré avec du beau monde. Au rayon des rencontres inattendues, elle a notamment coécrit et interprété un morceau sur le premier album de Scratch Massive sorti en 2003. Morceau où l'électro-rock du duo parisien se marie à merveille avec la voix chaude et langoureuse de Camille, que l'on croit sans sourciller quand elle nous affirme que «the world will never look quite the same again». Dans le même registre, elle a aussi travaillé avec Étienne de Crecy sur le très club Someone like you. Et là aussi, mariage réussi.
Too Drunk to Fuck
(album Nouvelle Vague de Nouvelle Vague)
La new wave version bossa nova ? Sur le papier, l'idée aurait pu en choquer plus d'un. Mais les producteurs Marc Collin et Olivier Libaux s'accrochent à leur idée, qui voit le jour en 2004 avec le projet Nouvelle Vague. Des chanteuses pas forcément très connues reprennent des standards comme Love Will Tear Us Apart de Joy Division ou Just Can't Get Enough de Depeche Mode. Mais c'est surtout Camille qui porte l'album, en reprenant quatre classiques, dont le Too Drunk to Fuck des Dead Kennedys dans une version détonante qu'elle donnait encore en concert en 2008.
Ta Douleur
(album Le Fil)
Depuis le début de sa carrière, Camille était donc un peu partout et nulle part à la fois. Jusqu'en 2005, l'année de la sortie du Fil, son plus grand album, et l'un des plus grands tout court dans le vaste monde de la musique française. Le single Ta douleur enclenche le phénomène : un bourdon (une note – le si – qui court en fond sonore), une ligne de basse, des percussions corporelles et vocales. Comme si, en trois minutes, Camille réinventait la musique, avec des ingrédients pourtant vieux comme le monde. Une petite révolution.
Au Port
(album Le Fil)
Mais au-delà de la forme, Le Fil, c'est surtout quinze pépites nées d'une rupture sentimentale, comme elle l'explique métaphoriquement dans Au port, le titre le plus punchy de l'album: « Mais lui c'est différent, il est né sur l'océan / C'est un grand capitaine, un amant monument / Tu t'es perdue dedans. » Sur scène, pour sa première grande tournée, Camille s'entoure de trois musiciens (Martin Gamet à la basse et à la contrebasse, Sly Johnson du Saïan Supa Crew en human beatbox, et Majiker au piano) : leur version d'Au port, présente sur le live, en jette.
J'ai tort
(album Le Fil, version augmentée)
Le Fil connaît un succès phénoménal. Deux clans se forment alors : les pros, voyant en elle une grande, voire très grande, et les antis, crispés par ses postures ou son originalité soi-disant feintes. La guerre est ouvertement déclarée – Camille est l'une des artistes récente qui clive le plus. Qu'importe : fort de tout ce tapage, elle sort une édition augmentée du Fil, avec trois inédits. Dont un J'ai tort qui aurait eu toute sa place sur la version initiale de l'album.
Money note
(album Music Hole)
Que faire après de tels éloges ? Le défi était de taille. En 2008 sort Music Hole, disque tout en anglais où Camille joue avec les mots et leur sonorité. Succès mitigé. « Music Hole est avant tout un projet scénique, on le comprend vraiment quand on le voit sur scène » nous expliquait-elle en interview. Elle a eu amplement raison : la tournée de Music Hole reste à ce jour sa plus forte, sa plus explosive, sa plus pop. Il fallait la voir terminer chaque concert sur le summum de l'album qu'est Money note, sept minutes construites comme de véritables montagnes russes où elle affirme vouloir détrôner Mariah Carey, Céline Dion et Whitney Houston à la fois. Quand on la découvrait dans sa robe noire moulante et échancrée partir dans des suraigus avec une maîtrise parfaite, on ne pouvait qu'exploser avec elle.
Le Festin
(bande originale du film Ratatouille)
En quelques années, Camille devient bankable, notamment à l'étranger. La preuve : les studios Pixar font appel à elle en 2007 pour qu'elle prête sa voix à l'un des personnages de leur film Ratatouille. Et, en toute logique, elle interprète Le Festin, la chanson phrase du film. Sympa comme tout !
Pleasure
(album Ilo Veyou)
En 2011 sort Ilo Veyou, un quatrième album très tourné vers les sentiments amoureux (Camille est totalement in love et mère d'un petit garçon). Un état qui transparaît notamment sur le single L'Étourderie, qui frôle la niaiserie. Mais si Camille peut avoir l'amour cul-cul par moments, elle l'a aussi lubrique sur certains titres, comme sur ce Wet Boy érotiquement osé (heureusement que les paroles sont en anglais !), ou Pleasure, ode charmante à la masturbation féminine. « Il suffit de deux doigts à peine / Pour faire un feu / Mieux que silex au creux de l'aine. » Un morceau qu'elle chante sur scène plongée dans le noir, comme une marque de pudeur. Seule sa voix se fait entendre, voix impressionnante, à l'image de ce qu'elle fait sur le titre Tout dit, qui clôture l'album.
Wanna Be Startin' Somethin'
(version live)
Camille qui reprend Mickael Jackson ? Oui. Car elle a un sens du groove remarquable, et une voix malléable à l'envi qui se prête parfaitement aux succès du roi de la pop. Sa version de Wanna Be Startin' Somethin', qu'elle ne donne depuis quelques mois qu'en live et sur les plateaux télé, est épatante, entre fidélité assumée et relecture bienvenue sur certains passages. Une réappropriation qui fait office de synthèse idéale du monde de Camille.