Jean-Marc Bador, le discret et efficace directeur général de l'Orchestre national de Lyon, est en poste depuis fin 2012. Arrivé dans un contexte difficile après le mandat houleux de Laurent Langlois mais pleinement dans ses fonctions cette saison, ses partis pris rassurent. Pascale Clavel
Jean-Marc Bador ne sort pas de nulle part : acteur des débuts de La Folle Journée de Nantes, il est passé par l'Orchestre de Bretagne puis l'Orchestre de Chambre de Paris, qu'il a su moderniser et singulariser. A quelques jours d'un beau programme maritime - on y entendra notamment La Mer de Debussy, symphonie impressionniste parmi les plus jouées du compositeur, et Towards the Sea II, sublime illustration pour flûte, harpe et cordes du Moby Dick de Melville imaginée par le Japonais Toru Takemitsu - c'est un homme passionné, visionnaire et généreux que nous rencontrons.
Vous êtes à Lyon depuis peu. Que diriez vous de l'ambiance de la ville ? De sa culture ?
Jean-Marc Bador : Je suis content d'être à Lyon, c'est une ville dans laquelle je me sens bien. Une ville qui investit 20% de son budget dans sa culture et qui fait en sorte de porter des institutions culturelles de très haut niveau, ce n'est pas si courant. Pour être plus spécifique sur l'établissement, c'est aujourd'hui l'un des plus beaux à diriger en France. L'ONL est le seul orchestre symphonique de grande taille qui dispose de sa salle et qui la programme. On a là un orchestre qui réalise de nombreux concerts dans son lieu, mais aussi en région, au niveau national ou à l'internationale. Avec mon équipe, nous travaillons autour de l'idée de "Maison de la musique", d'ouverture de ce lieu qui est un peu isolé et caché au sein du quartier de la Part-Dieu.
Quelle touche personnelle souhaitez-vous insuffler à cette grande maison ?
Redonner à l'Orchestre le brillant qu'il a su avoir et qu'il avait un peu perdu. Qu'il retrouve cette capacité de se projeter à l'internationale et d'être parmi les grands orchestres européens qui comptent. Par exemple, il n'avait pas bougé depuis six ans. La Chine a été récemment sa première grande tournée internationale, et nous allons au Japon pour dix concerts au mois de juillet prochain. Nous donnons aussi l'opportunité au public lyonnais de voir un certain nombre de grands chefs, c'est le cas cette saison avec Marek Janowski, une des dix grandes baguettes au monde. S'il faut aller plus loin, mon dada reste tout ce qui concerne la médiation et l'action culturelle. Je suis né à une fonction professionnelle dans la musique par un biais très particulier : la Folle Journée de Nantes. C'est un festival tourné vers les publics et de là, je me suis posé les bonnes questions : quel format peut faire venir des gens qui ne seraient jamais venus à un concert de musique classique ? Quel type de communication ? Quel type d'artistes ? Lorsque j'ai pris la direction de l'Orchestre de Bretagne, mon souhait était de travailler sur des résidences en milieu rural ; quand je suis arrivé à l'Orchestre de Chambre de Paris, j'ai fait ce même travail en milieu urbain, dans des quartiers difficiles. Rien n'est transposable, pour chaque endroit il ya des choses à inventer. Pour l'Auditorium, j'ai un certain nombre d'axes en tête. On amplifie notamment le travail avec le quartier de la Guillotière. Avec la Maison de la Danse, on vient d'y lancer une très belle opération : "Babel 8.3". L'idée est de faire collaborer des danseurs amateurs avec des danseurs professionnels, des musiciens amateurs avec des musiciens de l'ONL, pour imaginer ensemble un spectacle coordonné par Dominique Hervieu.
Depuis votre prise de fonction, quels événements vous ont le plus séduit ?
Depuis mon arrivée, nous avons vécu deux belles aventures où le public a pu s'impliquer de façon très active avec l'Orchestre. En novembre dernier, nous avons proposé à tous les musiciens amateurs, quel que soit leur niveau, de venir jouer avec l'Orchestre. On a eu près de 500 participants, disséminés dans toute la salle. Les musiciens de l'ONL ont été vraiment bluffés. Nous avons fait la même chose avec les solistes de Lyon/Bernard Tétu et l'Orchestre de Savoie en proposant au public de chanter un extrait du Requiem de Fauré. Le public se met dans une posture complètement différente, les gens ne sont pas seulement des consommateurs de musique, mais ils sont aussi des acteurs de ce qui se passe sur le plateau. Je n'ai pas envie que cet Auditorium soit uniquement le temple des grands artistes internationaux, j'ai envie que les gens s'y sentent à l'aise. L'Auditorium est vivant, nous avons deux orchestres de jeunes, nous intervenons dans les écoles où nous faisons travailler pendant toute une année scolaire des élèves de 3 ou 4 classes sur une création qu'ils coécrivent... Toutes ces initiatives participatives me tiennent à cœur.
Comment fonctionne votre duo avec Leonard Slatkin ?
Nous avons des visions très complémentaires. Notre dialogue s'établit assez facilement. Une programmation, c'est une partie de piano à quatre mains avec un directeur musical qui joue la première moitié et un directeur général qui joue la seconde, modestement, mais qui apporte sa pierre à l'édifice. Nous n'avons pas de chasse gardée. Ca ne peut fonctionner que si les deux parties ont envie de travailler ensemble. Il se trouve que c'est le cas.
Quel genre de mélomane êtes vous ?
Je suis un mélomane très éclectique mais Jean-Sébastien Bach sera toujours ma base, c'est avec lui que je me ressource. Je suis également un grand amoureux de Sibélius, de Richard Strauss, de Mahler. J'adore le jazz, la chanson française et mes filles me font découvrir des univers que je ne soupçonnais pas...
La Mer
A l'Auditorium, dans le cadre de la biennale Musiques en scène, jeudi 27 mars