La saga Alien proposée pendant toute une nuit à la Halle Tony Garnier est non seulement l'occasion de revoir une des franchises les plus stimulantes du cinéma de SF américain, mais aussi la possibilité de constater les premiers pas de quatre cinéastes importants, tous représentatifs des évolutions récentes du style hollywoodien.
1979 : Alien, Ridley Scott
Alors que les golden boys du Nouvel Hollywood connaissent des fortunes diverses — gloire pour Spielberg et Lucas, temps difficiles pour Coppola et Cimino, vitesse de croisière pour De Palma — les studios découvrent les vertus d'une génération d'Anglais venus de la pub et du clip : Alan Parker, Adrian Lyne et enfin Ridley Scott, peu de temps avant son frère Tony, passent à la mise en scène de cinéma. Scott, remarqué pour le beau Duellistes, se retrouve aux manettes d'Alien et invente le film d'horreur galactique, à la direction artistique impeccable, misant sur le suspense et la suggestion, montrant des ouvriers de l'espace aux prises avec un monstre viscéral. Les inoubliables visions de ce premier film ont posé la mythologie Alien : les face huggers, l'accouchement abdominal de la bête et, moins horrible, Sigourney Weaver en survivante sexy et virile.
1986 : Aliens, le retour, James Cameron
Cameron sort du succès surprise de Terminator et empoigne cette suite pour en faire un film raccord avec l'état d'esprit du cinéma américain des années 80 : un Vietnam movie dans l'espace où les GI's ne bousillent pas du vietcong mais de l'alien, proliférant plus vite que le virus Ebola. Le final lui permet aussi de poser une de ses figures préférées, qu'il reprendra dans Abyss et Avatar : l'humain mécanisé, alliance technologique entre la chair et le métal.
1992 : Alien3, David Fincher
Comme Scott quinze ans avant, David Fincher vient de la pub et du clip. Mais lui est un pur Américain, et la Fox l'engage pour ce troisième épisode alors qu'il n'a encore rien tourné pour le cinéma. La collaboration se passe mal, Fincher, dont le tempérament est déjà bien trempé, entrant en conflit avec le studio et reniant le montage final, il est vrai assez bancal, même si on trouve déjà des pistes pour l'œuvre à venir de cet immense cinéaste, notamment son pessimisme et son goût pour les personnages sacrificiels.
1996 : Alien, la résurrection, Jean-Pierre Jeunet
Hollywood va à nouveau piocher des talents dans le vivier européen, et c'est le frenchy Jean-Pierre Jeunet, pour la première fois sans son collaborateur Marc Caro, qui écope de ce quatrième volet. Son style se fond plutôt bien dans la commande, même si le scénario est assez faible et que les aliens, pour la première fois créés en numérique, n'ont pas la force de leurs ancêtres construits en dur. Finalement, ce sont les humains qui s'en sortent le mieux dans le film, notamment le duo Sigourney Weaver / Winona Ryder, poussant la logique féminine de la série jusqu'à son point d'achèvement.
Christophe Chabert
Nuit Alien
À la Halle Tony Garnier, vendredi 17 octobre