Exposition / C'est l'histoire chaque fois recommencée d'un tout petit musée qui ne cesse de grandir. Et qui après Wes Anderson ou Ma vie de Courgette s'offre Jeunet & Caro en expo temporaire...
Petit à petit, Le Musée Cinéma et Miniature de Lyon est devenu un géant. Au point de faire passer pour des succédanés les établissements thématiques comparables. Certains sont pourtant installés dans de grandes capitales ou à proximité immédiate, voire à l'intérieur, de studios leur offrant une forme de rente de situation. Conséquence : ils misent avec paresse sur une ou deux pièces d'exception ou des animations vaguement interactives en lien avec les effets spéciaux. À mille lieux du concept du Musée créé par Dan Ohlmann, dont le profil artistique — il est miniaturiste lui-même — et l'obstination viscérale pour la préservation d'un patrimoine en péril expliquent le succès.
Ohlmann et son équipe sauvent non seulement des éléments cinématographiques divers (décors, maquettes, maquillages, accessoires...) d'une inéluctable destruction, mais ils restaurent et valorisent ces objets trop longtemps réduits à leur fonction strictement utilitaire. Derrière des vitrines mais à portée de regard du public, sous une lumière savamment travaillée, ils atteignent alors la noblesse muséale sans abandonner leur essence populaire ni masquer leur essence artisanale.
Une longue carrière de fiançailles (artistiques)
Il y avait une logique à ce que Jeunet & Caro atterrissent un jour avec leurs merveilles entre les murs du musée lyonnais. Dès leurs débuts conjoints dans le court-métrage il y a quarante ans, le plasticien-directeur artistique Marc Caro et le réalisateur Jean-Pierre Jeunet ont manifesté un goût — jamais démenti depuis — pour les assemblages baroques, un collage visuel de références mêlant la patine d'une nostalgie mâtinée d'inquiétude au bricolage astucieux d'un cyber-steampunk. De l'animation où il effectue ses premières armes, le duo conserve ce plaisir d'artisan pour la fabrication manuelle et la modélisation composite. Il trouve d'ailleurs son équilibre avec le court-métrage à l'ambiance post apocalyptique Le Bunker de la dernière rafale (1981) fulgurance semi expérimentale, dont quelques vestiges ouvrent cette exposition.
Celle-ci parcourt leur double carrière, commune jusqu'à La Cité des enfants perdus (1995), film offrant la plus riche quantité de documents préparatoires (ah, la splendeur des croquis de Caro !), les costumes (par Gaultier), l'épais story-board et d'impressionnantes maquettes : on retrouve, avec émotion, le “personnage“ d'Irvin — un aquarium mécanique où baigne un cerveau — auquel Trintignant prêtait sa voix. Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001) livre également son lot d'éléments totémiques : de l'album de photomatons au cartons du générique, en passant par le cochon de chevet ; même le nain globe-trotter a fait le voyage. Parenthèse américaine, la section Alien, la résurrection (1997) révèle comment l'imaginaire jeunettien parvient à s'exprimer à travers les filtres hollywoodiens ; elle voisine avec son pendant par Caro, Dante 01 (2008), un grand film malade plastique et métaphysique qu'il faut revoir.
À une époque où, pour de tristes raisons de coûts, la majorité des recherches, des ébauches et de la conception d'un film est dématérialisée ou numérique, découvrir les témoignages aussi tangibles d'œuvres cinématographiques a quelques chose d'inestimable voire de rassurant.
Caro / Jeunet
Au Musée Cinéma et Miniature de Lyon jusqu'au 5 mai