Disquaire Day : «On peut parler de circuit court»

Disquaire Day : «On peut parler de circuit court»

Aujourd'hui, c'est le Disquaire Day. Rencontre avec Benjamin Petit, programmateur du Marché Gare et coordinateur de la déclinaison rhônalpine de cette journée festive durant laquelle les disquaires indépendants font le plein de vinyles en édition limitée.Valentine Martin

Quel est le but du Disquaire Day ?
Benjamin Petit :
Le Disquaire Day, c'est la journée internationale des disquaires. Elle a été lancée aux États-Unis il y a sept ans. Pour nous, à Lyon, c'est la troisième édition. Depuis quelques temps, il y a un changement de rapport à la musique, à travers nos modes de consommation, de distribution et d'action. L'idée de cette journée, c'est de mettre en avant les acteurs essentiels de la filière "musiques actuelles" que sont les disquaires. Et de rappeler que ces derniers, qui sont en danger à cause de la crise de l'industrie du disque, restent prescripteurs en matière de musique.

Le Disquaire Day montre aussi que c'est une véritable démarche d'aller chez les disquaires, d'acheter et d'échanger, de se faire conseiller. C'est un peu l'idée d'un commerce de proximité au final. On peut même parler de circuit court, car nous avons des références internationales, nationales mais aussi des disques d'indépendants, auto-produits, de la région ou de Lyon même. C'est un coup de projecteur sur ces acteurs de la filière.

Comment vous êtes-vous retrouvé à le coordonner sur la région ?
En fait j'ai une double casquette : je suis à la fois responsable du Marché Gare, qui est partenaire du Disquaire Day, et coordinateur artistique de Tagada Tsoin Tsoin, un réseau musiques actuelles régional qui regroupent différentes professions : des labels, des tourneurs, des producteurs de spectacles, des salles de concert, des festivals, avec une attention toute particulière sur les artistes de la région. Nous sommes associés à la FEPPRA, qui est la fédération des labels phonographiques rhônalpins. Ces deux associations se sont réunies pour organiser cet événement sur proposition du CALIF, qui est le coordinateur national et l'organisateur à Paris. Cela allait de soi, nous nous sommes trouvés très complémentaires pour organiser cette journée, chacun ayant ses spécificités.

En plus de cela, la ville de Lyon et la région Rhône-Alpes ont tout de suite suivi. Elles nous ont aidé l'an passé et nous aident également pour cette édition. Il y a une vraie prise de conscience de la problématique des disquaires par les collectivités locales. Un programme va même être lancé par la région en direction des disquaires sur un fond d'investissement, un fonds d'aide à l'achat. C'est un tout nouveau projet qui a été imaginé à partir d'un autre qui existait déjà pour les libraires. L'annonce de la création de ce programme se fera lors du Disquaire Day.

Nous ne pouvons pas nous contenter d'écouter en mode shuffle un morceau après l'autre, provenant d'albums et d'artistes différents. Avec l'écoute d'un vinyle, ou même d'un CD, on réaffirme la volonté d'un rapport plus fort avec une œuvre.

L'an dernier le lancement national de l'événement s'était fait à Lyon. C'était une reconnaissance pour vous ?
Cet événement, qui est d'ampleur nationale, souhaite mettre en avant différentes villes. Lyon, d'un point de vue musical, est la deuxième ville la plus importante de France, ça paraissait assez naturel de lui passer le témoin pour cette année. Ce choix mettait aussi en valeur son foisonnement de professionnels et de groupes. Je pense que le CALIF a voulu profiter de ces forces vives, avec la FEPPRA et Tagada. Ils savaient qu'ils pouvaient s'appuyer sur des acteurs assez forts pour relayer et organiser ce lancement. On peut dire que c'est une reconnaissance de la vigueur du paysage rhônalpin.

Pour cette édition, la structure reste la même. On a fait un lancement en grande pompe l'année dernière et là on veut rester sur la même dynamique. On élargit même un peu au niveau régional, avec des antennes à Valence, Saint-Étienne et Chambéry. La formule réussie de l'année dernière a été pérennisée.

Le Disquaire Day promeut aussi un objet qu'on pensait disparu : le vinyle. Y-a-t-il un véritable retour en grâce de ce support ou est-ce juste un phénomène de mode emmené par les hipsters ?
Le retour du vinyle a commencé juste avant l'apparition des hipsters. Après, c'est vrai qu'il y a un courant commun, qui est générationnel. Alors oui, il y a une histoire de mode, mais de manière globale je dirais, axée sur la fin du XXe siècle. Il me semble que c'est quelque chose de cyclique. Je ne sais pas ce que deviendra le vinyle dans vingt ans mais pour moi, cela traduit quand même quelque chose dans le rapport à la musique, qui est une lame de fond et pas juste une mode.

Aujourd'hui la plupart de la musique qu'on écoute est diffusée dans des formats très pauvres : le MP3 ou la musique compressée à la radio, qui n'a pas du tout la même dynamique que celle qu'on a sur vinyle. Le retour du vinyle exprime un besoin de garder un rapport plus fort à la musique et aux artistes, à travers une meilleure qualité d'écoute et une approche revendiquée de l'album en temps qu'œuvre. Nous ne pouvons pas nous contenter d'écouter en mode shuffle un morceau après l'autre, provenant d'albums et d'artistes différents. Avec l'écoute d'un vinyle, ou même d'un CD, on réaffirme la volonté d'un rapport plus fort avec une œuvre. Et ça, je pense que c'est quelque chose qui n'est pas passager.

Les disquaires gagnent beaucoup à participer au Disquaire Day. Mais bénéficient-ils de retombées sur le long terme ?
Les disquaires gagnent en effet beaucoup à être présents lors de cette journée. Ils explosent leurs ventes, ont leurs boutiques pleines à craquer. Le Disquaire Day fait venir chez eux des gens qui ne viennent pas le reste de l'année, mais qui les découvrent et vont peut-être se fidéliser. En plus, l'événement génère un chiffre d'affaires essentiel, qui leur permet de survivre. Il nourrit littéralement l'activité. Pour eux, ça ne peut être que positif. La journée les met en lumière. De plus, pendant le Disquaire Day, on met en place une communication axée sur l'ensemble des disquaires lyonnais. La cartographie dressée pour cet événement, par exemple, est un outil très précieux.

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