Tourné dans la foulée immédiate de L'Ange bleu (1930), qui révéla Marlene Dietrich et cimenta son fructueux couple avec le cinéaste Josef von Sternberg, Cœurs brûlés semble en prendre son contrepied. Tournée à Hollywood et non plus dans les studios allemands de l'UFA, cette production affiche dès son titre original Morocco — moins lyrique qu'en français — ce dépaysement exotique dont l'époque, fascinée par le folklore colonial, raffolait.
Campée par Marlene, Amy Jolly ne provoque pas la perte d'un homme, mais se trouve partagée entre deux soupirants classiques : l'un richissime, lui offrant la sécurité matérielle ; l'autre, un fringant légionnaire, lui promettant l'ivresse d'une passion amoureuse (et ses aléas). En lieu et place du barbon Emil Jannings, le jeune premier Gary Cooper lui donne la réplique : immense, sanglé dans son uniforme ajusté, il joue de la prunelle céruléenne, de la pose héroïque et du sourire enjôleur comme personne.
Malgré ce luxe de différences — d'oppositions, même — Cœurs brûlés apparaît par instants comme la conséquence de L'Ange bleu : exilée au Maroc à l'instar des engagés de la Légion étrangère (dans l'espoir d'expier et se réinventer), l'héroïne y est à nouveau une artiste de cabaret / music-hall, une provocatrice ingénue se promenant furtivement en porte-jarretelles ou habillée en homme. Encore expressive, parfois souriante, Dietrich n'a pas tout à fait composé sa carapace marmoréenne de femme fatale — visage figé, œil mi-clos, joue creuse — mais c'est dans ce film que le glissement peu à peu s'opère et s'observe. Naissance dans le désert de la (future) blonde Vénus... VR
Morocco
Lundi 29 février à 21h au Lem de Tassin-la-Demi-Lune
Jeudi 3 mars à 14h30 et 20h30 (précédé d'une présentation) au cinéma Gérard-Philippe de Vénissieux