On a testé... / Nous sommes allés planter une fourchette dans les assiettes des collégiens. Pour confirmer ou conjurer de mauvais souvenirs de cantine. Première nouvelle : c'est une entreprise privée qui faisait à manger. Deuxième nouvelle : c'était bon.
La Métropole de Lyon jure qu'elle veut nourrir la marmaille au bon grain. Pour les assiettes dont elle a la charge (celles des collèges uniquement), elle prépare même un grand chambardement à la rentrée 2018 : 80% de produits frais, dont des légumes, fruits et céréales exclusivement bio. C'est le nouveau cahier des charges qui devra être appliqué par les prestataires sous contrat avec la Métropole. La tendance, depuis plusieurs années, est de confier le service de restauration des collèges (14, bientôt 24) à des entreprises privées. Des délégations de service public notamment justifiées par les nouvelles exigences sus-citées.
Ainsi selon M. Desbos, conseiller métropolitain délégué à l'Éducation : « ces entreprises seront soumises à un cahier des charges très strict, dont nous contrôlerons l'application. Elles devront engager le mouvement qui va nous amener vers plus de produits frais, bio, locaux. Le système actuel a du mal à se plier à ces nouveaux impératifs et on pense que l'arrivée du privé va tirer l'ensemble de la restauration scolaire vers le haut. »
Évidemment, l'emprise toujours plus grande des sociétés de service sur les cantines de collèges n'est pas sans susciter des interrogations. Ainsi, à la CGT éducation on s'étrangle : « pourquoi il faudrait privatiser pour pouvoir améliorer la qualité des repas ? S'il y a une véritable volonté politique, il n'y a aucune raison que les agents ne suivent pas. Et franchement, nous présenter Sodexo comme le héraut du bio, ça ressemble à une blague. »
Le syndicat suspecte que derrière les bonnes intentions se prépare une dégradation des conditions de travail dans les cuisines : « or, si c'est le cas on voit mal comment on pourra aller vers un meilleur respect des normes d'hygiène et de sécurité. »
Vivantes, les patates !
Et nous voilà donc, un vendredi midi, faisant la queue à la cantoche. Celle du collège Jean Macé à Villeurbanne, où M. Desbos nous accompagne. En entrée, pourquoi pas un gros morceau de sardine à l'huile allongé sur un crouton. Au présentoir suivant, une élève de 5e, Elsa, nous recommande les rondelles de banane au chocolat, son dessert préféré. M. Rivière, le cuisinier, s'occupe de servir les plats chauds. On doit tout goûter : le boulgour (parfaitement cuit), la purée (avec des patates encore vivantes dedans), le foie de veau (qui a eu la bonne idée de ne pas se transformer en semelle) et l'omelette (à point). Il faut bien l'avouer, ce jour-là tout est bon. Les enfants confirment. Hugo, élève de 5e, ne regrette pas l'école primaire, où il avait l'impression de manger du « plastique ». Moïses, son camarade de table est moins dissert : il s'attaque consciencieusement à ses pommes au caramel. Anne et Samya l'assurent :
« depuis la rentrée c'est délicieux. Ils varient, c'est bien. Bon, des fois il y a des légumes [ce qui semble les désoler]. Mais en général on réclame du rab'. »
Dans la salle des enseignants, Mmes Ramirez (AESH) et Boulouet (CPE) font elles aussi la promotion de leur cuisinier. Employé par la société Coralys, M. Rivière réalise les menus qui lui sont imposés par la diététicienne du prestataire. Il commande lui-même les produits, via la centrale d'achat. « Aujourd'hui, les pommes de terre viennent de l'Ain. La viande c'est un grossiste de la région, et pour les produits laitiers je me fournis dans le Beaujolais »
nous assure-t-il. Le cuistot, qui avait son propre resto avant de devenir employé, revendique de faire quasiment tout lui-même. M. Richez, le principal du collège, qui en a vu d'autres (des cantines), l'affirme : « la qualité est en grande partie liée à la personne en cuisine, qu'elle soit employée par la Métropole ou par une entreprise. Ici c'est vrai qu'on a la chance d'avoir quelqu'un qui prend sa mission à cœur. »
Les contrats qui lient les prestataires aux établissements vont bientôt être renouvelés. Si l'entreprise en charge de la restauration au collège Jean Macé change, M. Rivière pourra demander à rester en poste. Lui exprime déjà son souhait de rester, si on lui laisse la possibilité de « bien faire [son] travail. » Et ainsi de continuer à régaler Elsa, Moïses, Samya et les autres.