Festival Berlioz / Chaque fin d'été à la Côte-Saint-André, Berlioz renait. Le Festival est devenu un événement musical incontournable pour les amoureux d'une musique française romantique inclassable. 2018, un cru prestigieux.
Après le succès d'une édition 2017 "so british", le festival se tourne vers les œuvres sacrées de Berlioz et en même temps accueille les commémorations du 150e anniversaire de la mort du compositeur. Par son ambiguïté, "Sacré Berlioz", résume bien l'homme à la personnalité toute singulière : compositeur romantique avant-gardiste, écrivain, poète, orchestrateur hors cadre, maître de l'idée fixe (ce thème principal obsessionnel qui ne vous lâche jamais...), Berlioz pousse l'écriture de ses mélodies comme personne : des phrases fiévreuses, des envolées charnelles, jamais décoratives, des thèmes qui vous collent aux oreilles, absolument. Il fallait oser, sacré festival ! Qui s'ouvre sur une grande fête des moissons avec musiques et métiers d'antan, à Saint-Pierre de Bressieux. On y retrouve la folle ambiance d'un village dauphinois comme on y vivait au 19e siècle. Les batteuses, les jeux en bois, la fabrication du pain artisanal et la fanfare des Violons du Rigaudon, constituée de violonneux traditionnels. L'orchestre Les Corsaires Rouges fera danser les festivaliers jusqu'au bout de la nuit lors d'un petit bal où chacun pourra s'enivrer avant un feu d'artifice.
Le programme se poursuit avec un choc esthétique radical : le Requiem que Berlioz lui-même mettait en première place dans son catalogue. L'exécution de cette œuvre est toujours un moment particulier. Avec un orchestre d'une envergure exceptionnelle doublé d'un dispositif visionnaire : quatre orchestres de cuivres et la quadriphonie est née. Le compositeur anticipe sur toutes les expériences de spécialisation chères aux compositeurs du 20e siècle. Là, on entend de purs thèmes grégoriens, là encore, Berlioz fait dialoguer les chœurs, l'orchestre et les solistes. Tout s'ajoute en surabondance et les couleurs musicales deviennent éblouissantes. Avec le très berliozien François-Xavier Roth à la baguette, on attend une grande claque esthétique, une belle bourrasque sonore, un moment musical rempli d'émotions uniques.
Sacrées surprises...
Au château Louis XI, la chef d'orchestre Laurence Equilbey à la tête de son ensemble Accentus dirige la Création de Haydn, une œuvre de maturité, d'une spiritualité à couper définitivement le souffle. Berlioz a toujours été fasciné par le travail de composition de Haydn, harmoniquement éblouissant. Autre moment sacré, rarement entendu en France, L'enfance du Christ de Berlioz. Avec cette pièce complètement décalée, on trouve un Berlioz qui n'assume pas totalement l'avoir écrite. Il en présente un extrait sous un pseudonyme et à sa grande stupéfaction, L'Adieu des bergers à la Sainte famille va connaitre un grand et beau succès. L'œuvre toute entière est un petit bijou inclassable, dans le pur religieux naïf où se déroulent mélodies sucrées sur mélodies suaves - on savoure avec émotion La Fuite en Égypte.
Au cœur de ce Festival dédié à Berlioz, il ne fallait oublier ni Jean-Sébastien Bach ni Claudio Monteverdi, parce que tous deux ont un rapport puissant à la musique religieuse. Sir John Eliot Gardiner nous offre une rencontre avec Bach en plein cœur du pays de Berlioz, un grand écart temporel mais une même vision d'écriture musicale au service du texte religieux. Gardiner et son indéboulonnable Monteverdi Choir vont sublimer quatre cantates du maître du contrepoint. Simon-Pierre Bestion dirige Les Vêpres de la Vierge, premier chef d'œuvre sacré de Monteverdi. Les partis pris de ce jeune chef sont déroutants, ses propositions artistiques inattendues. La Compagnie La Tempête, portée par Bestion, interprète Les Vêpres, avec mise en espace épurée et solo dansé par l'étoile japonaise Rihoko Sato. Un sacré Festival Berlioz en perspective.
Festival Berlioz
À La-Côte-Saint-André du 18 août au 2 septembre 2018