Littérature / La revue Initiales retrace les aventures de Semiotext(e) et de l'éditeur-passeur Sylvère Lotringer. Où la french theory croise la scène punk new-yorkaise à grands coups d'écrits, de riffs de guitares et de rats décapités.
Casquette, sweet à capuche, barbe de trois jours... Tout est dit ou presque sur le portrait photographique qui ouvre le nouveau numéro de la revue Initiales consacré à l'éditeur américain Sylvère Lotringer. Cette "cool attitude" n'est pas chez lui seulement une coquetterie, mais une approche de la vie en générale et de l'édition en particulier. Au début des années 1970, l'universitaire sémiologue globe-trotter (et quelques autres) lance une revue devenue mythique, Semiotext(e) (et maison d'édition à partir des années 1980), qui réunira dans ses colonnes des philosophes, écrivains et artistes de tous horizons : les penseurs français de l'après-1968 (Deleuze, Guattari, Baudrillard, Virillio, Lyotard...), les post-modernes américains (John Cage, Kathy Acker, John Giorno, Philippe Glass...), et d'innombrables inclassables. En novembre 1978, Semiotext(e) redonne aussi à l'écrivain William S. Burroughs toute son importance, largement dénigrée, alors, dans son propre pays. Pendant quelques jours l'événement Nova Convention réunit la crème de la beat generation (Burroughs, Ginsberg, Gysin, Giorno), des artistes (Cage, Glass, Zappa, Cunningham...) et la scène punk new-yorkaise (Suicide, Patti Smith, Blondie...).
Faire exploser les cloisons culturelles
Le performeur Joe Coleman exécutera à cette occasion un happening resté dans les mémoires en se fracassant une bouteille de vin sur le crâne, se faisant exploser une ceinture d'explosifs et dévorant à pleines dents quelques rats vivants ! C'est dire l'étendue et l'élasticité de l'univers de Lotringer et de Semiotext(e) passant de Derrida à Coleman, de concerts punks à la schizo-analyse de Deleuze, du linguiste Ferdinand de Saussure aux mouvements d'extrême gauche allemands ou italiens... Il y a là un génie du collage et ou du montage éditorial qui bouleverse tous les codes, les genres, les courants.
Pendant plus d'un an, un groupe d'étudiants et d'enseignants de l'École des Beaux-Arts de Lyon a travaillé sur et avec Sylvère Lotringer pour aboutir à un passionnant numéro d'Initiales. Documents d'archives, témoignages, graphisme échevelé et articles fourmillent dans cet opus, avec pour fil directeur un long entretien avec Lotringer. Un numéro à réveiller les morts (cérébrales) des milieux intellectuels, éditoriaux et artistiques contemporains !
Lancement d'Initiales n°12 SL
À l'École Nationale des Beaux-Arts le mercredi 28 novembre à 18h30