De Xavier Dolan (Can, 2h03) avec Kit Harington, Jacob Tremblay, Susan Sarandon...
Jeune acteur dans le vent, Rupert Turner raconte à une journaliste pète-sec dans quelles circonstances il entretint enfant une correspondance épistolaire avec John F. Donovan, un autre comédien à l'existence torturée, et comment cet échange influa sur leurs destinées...
Un petit saut de l'autre côté de la frontière et voici donc enfin (pour lui) Xavier Dolan aux manettes d'un film étasunien. Mais, outre la langue et donc les interprètes la pratiquant, point de métamorphose dans son cosmos : la structure nucléaire basique de son cinéma reste inchangée (une relation fusion/répulsion entre un fils et sa mère renforcée par l'absence du père, le sentiment teinté de culpabilité de se découvrir habité par des pulsions différentes de la “norme hétéro“, de la musique pop forte plaquée sur des ralentis, des éclats de voix...).
Certes, le maniérisme formel est (un peu) mis en sourdine au profit de l'histoire — elle mérite toute l'attention de l'auteur, puisqu'il s'agit d'un enchâssement de récits —, mais il demeure quelques facilités consternantes empesant inutilement le tableau. Comme ce besoin de faire de la journaliste un concentré caricatural d'arrogance hermétique, finalement gagné par la profondeur de l'artiste — y a-t-il un règlement de compte, après “la guerre de méchanceté“ subie à Cannes ? Si au jeu des intrications de destins, Dolan n'atteint pas la fluidité lyrique d'un Paul Thomas Anderson (époque Magnolia), il sait en revanche faire surgir et capter l'émotion chez un enfant : la grande séquence où le petit Rupert vide son sac de désespoir face à sa mère est proprement déchirante. Et fait du jeune Jacob Tremblay le meilleur interprète du film.