Elle aurait soufflé 110 bougies en cette nouvelle année, marquant également les trente ans de sa disparition. La notoriété de Joan Bennett (1910-1990) se dilue sans doute aujourd'hui dans les replis du temps ; toutefois cette grande star des temps jadis demeure indissociable de la période américaine de Fritz Lang dont la rétrospective se poursuit gaillardement à l'Institut Lumière. On le vérifiera avec deux des quatre films qu'ils tournèrent ensemble durant les prolifiques années 1940, La Femme au portrait (1944) et Le Secret derrière la porte (1948). Deux films noirs imprégnés de références psychanalytiques — l'une des marottes de Lang, aficionado de Freud — où elle révèle des visages très opposés.
Le premier film fait étrangement écho au Laura de Preminger, tourné la même année, ayant également trait à la fascination d'un homme pour un visage entrevu sur un tableau. Mais chez Lang, Bennett incarne une femme fatale plongeant en plein cauchemar un malheureux universitaire campé par Ed Robinson s'étant trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. L'intrigue vaut pour la somme de défis moraux qu'elle pose en pleine période de Code Hays, dénoués par le twist final... vu comme banal aujourd'hui. Quant au second, relecture de La Barbe bleue, de Rebecca, des Hauts de Hurlevent et de Spellbound, il transforme la brune Joan en épouse d'un veuf mélancolique piégé par un traumatisme ancien. Lang y déploie un arsenal psy un brin rudimentaire — en particulier lorsqu'il s'agit de “soigner“ le patient. Mais il confie à son interprète féminine un authentique premier rôle : narratrice, elle a la charge de la voix off ainsi que l'initiative de l'action. Faussement évaporée, la coquette urbaine que Bennett joue est certes amoureuse, mais surtout courageuse et dominante. Une position féministe précurseuse conférant à ce film une aura particulière ; la position de coproductrice de la comédienne n'y était sans doute pas étrangère...
La Femme au portrait + Le Secret derrière la porte
À l'institut Lumière