Dans une soirée de réveillon quasiment désertée par les théâtres, les Célestins se distinguent avec une relecture haute en couleurs d'"Alice au pays des merveilles" par Fabrice Melquiot. Aurélien Martinez & Nadja Pobel
Les chiffres sont clairs : en cette soirée du 31 décembre, neuf pièces de théâtres sont proposées contre quarante-quatre en café-théâtre ! A ce maigre menu figure notamment le retour d'Amphitryon à l'Iris de Villeurbanne, une mise en scène soignée et fantasmagorique signée par des membres de la troupe permanente du lieu.
Du côté de l'Étoile Royale se jouera la première de l'Orgie Romaine de Giorgi Carpentieri, sur un texte de Michel Heïm. Le duo avait déjà accouché l'an dernier de Besame macho, un cabaret aussi assumé que maîtrisé. Du côté des spectacles mastodontes, l'Opéra reprend le superbe Cendrillon de Maguy Marin tandis que les Célestins célèbrent un mariage à haute valeur ajoutée avec Alice de Lewis Carroll : un cirque-poème, une féerie à mettre devant tous les yeux, des petits comme des grands.
Soit la rencontre entre l'auteur Fabrice Melquiot, le réalisateur Renaud Cohen et le cirque traditionnel chinois de Tianjin. A eux trois, ils ont élaboré une relecture des Aventures d'Alice au pays des merveilles, œuvre phare de la littérature britannique qui autorise toutes les fantaisies – la notion de réalité étant sans cesse malmenée au cours de pages où l'on croise un chat philosophe, un lapin blanc pressé, des cartes à jouer qui parlent... On pouvait craindre une simple création tape-à-l'œil misant seulement sur le spectaculaire, le rendu surprend et séduit pleinement.
Dédoublement
Premier parti pris judicieux de Melquiot et Cohen : figurer l'auteur sur scène, qui devient ainsi le passeur de cette relecture et qui se voit au passage confronté à certains de ses personnages. Deuxième brillante idée : faire appel à deux comédiennes pour interpréter Alice, jeune fille qui change constamment de taille au cours de ses aventures.
L'Alice taille géante est logiquement campée par une circassienne adulte, l'Alice modèle réduit adoptant elle les traits d'une enfant, avec un habile jeu de passage entre les deux. Ces postulats de départ servent de structure à un spectacle qui se transforme dès les premières minutes en une fable visuelle époustouflante, portée par des acrobates bluffants.
Sans trop en dévoiler, on pense notamment au contorsionniste incarnant le chat, qui offre sans doute l'un des plus beaux tableaux de l'heure trente que dure l'ensemble. C'est en tous les cas une vraie claque que nous assène la compagnie – à voir comme la scénographie est chargée, elle s'en est donnée les moyens. On dit qu'un spectacle de Noël doit être léger, beau et tout public. Celui-ci remplit toutes ces qualités tout en parvenant à se montrer inventif. Pourquoi faire la fine bouche ?