Pixels, codes et signes

Pixels, codes et signes

Livre / Le titre du court essai (93 pages) de Guillaume Orignac en dit déjà long sur sa thèse : David Fincher ou l'heure numérique. Pas «à» l'heure numérique, mais bien «ou» ; pour l'auteur, Fincher a défini les modalités de ce changement de paradigme où le numérique a remplacé l'argentique et l'analogique, et en a fait la matière de ses films sinon leur sujet. Reprenant le cinéma qui l'a marqué, celui des années 70 (Butch Cassidy et le kid, Les Trois jours du Condor, À cause d'un assassinat), il le met à jour grâce aux techniques contemporaines. Pour Fincher, «représenter un monde numérisé, c'est avant tout numériser sa représentation». L'interprétation des signes, grand enjeu du Nouvel Hollywood, devient alors leur simple reproduction (les pages de codes de Zuckerberg, les rébus du Zodiac ou l'appartement Ikea de Fight club). «Fincher ne filme pas les machines, rejetées dans le capharnaüm des technologies passées. Il s'intéresse à la langue qu'elles produisent et au bourdonnement des signes informatiques», écrit Orignac. Fincher utilise ainsi les possibilités offertes par le numérique (notamment en post-production) pour remodeler sans cesse ses images tout en effaçant les traces de son intervention, recherchant un «réalisme» paradoxal que Fincher lui-même définit par : «Tout ce qui est parfait est imparfait». Ainsi du deuxième jumeau Winklevoss de Social Network (en fait le visage du même acteur greffé sur le corps d'un autre comédien), ou des différents âges de Brad Pitt dans Benjamin Button. Dans ce dernier, Orignac voit un héros dont la quête consiste à «se débarrasser de sa vieille peau synthétique». Car Fincher invente aussi des personnages qui, à leur tour, défient la réalité : insomniaques, joueurs, ils s'affranchissent du temps qui passe et restent d'éternels enfants qui peuvent «se baigner deux fois dans les mêmes eaux d'un fleuve quand tout autour d'eux dépérit et s'affaisse.» Christophe Chabert

Guillaume Orignac «David Fincher ou l'heure numérique» (Capricci)

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 3 janvier 2017 Un quart de siècle déjà qu’il retourne les perspectives cinématographiques, prend du champ avec les codes et donne de la profondeur aux grands genres. David (...)
Lundi 13 octobre 2014 La saga Alien proposée pendant toute une nuit à la Halle Tony Garnier est non seulement l’occasion de revoir une des franchises les plus stimulantes du cinéma de SF américain, mais aussi la possibilité de constater les premiers pas de quatre...
Mardi 7 octobre 2014 Film à double sinon triple fond, "Gone Girl" déborde le thriller attendu pour se transformer en une charge satirique et très noire contre le mariage et permet à David Fincher de compléter une trilogie sur les rapports homme / femme après "The Social...
Jeudi 14 novembre 2013 "L'affaire du Dahlia Noir", c'est l'histoire d'un meurtre non élucidé, celui d'une jeune femme de vingt-deux ans à la chevelure florale, Elizabeth Ann (...)
Mercredi 4 septembre 2013 On croyait Eric Powell du genre à ne fréquenter que des conventions de nerds casse-bonbons. On se trompait : le créateur du Goon, personnage parmi les plus cultes de la BD américaine contemporaine, est attendu cette semaine à la librairie Comics...
Mercredi 11 janvier 2012 Avec cette version frénétique du best-seller de Stieg Larsson, David Fincher réussit un thriller parfait, trépidant et stylisé, et poursuit son exploration d’un monde en mutation, où la civilisation de l’image numérique se heurte à celle du...
Vendredi 8 octobre 2010 Analyse / Vilipendé à la sortie de Fight club, David Fincher est dix ans plus tard acclamé pour les mêmes raisons : sa capacité à créer des héros ambivalents synchrones avec l’ère numérique. Christophe Chabert
Mardi 27 janvier 2009 Portrait / David Fincher, réalisateur de Benjamin Button, adopte de plus en plus le «Eastwood style» face aux journalistes, résumable par : je fais ce que j’ai à faire. Christophe Chabert
Mardi 27 janvier 2009 Avec "L’Étrange histoire de Benjamin Button", David Fincher confirme le virage «classique» amorcé avec "Zodiac". Derrière le beau catalogue d’images numériques et les grands sentiments, le film surprend par son obsession à raconter le temps qui...
Mercredi 30 mai 2007 Avec "Zodiac", qui retrace l'enquête pour démasquer, sans succès, un tueur en série mythique des années 70, David Fincher élargit l'horizon de son cinéma et signe un film dont la maîtrise souveraine cache des montagnes de doutes. Christophe Chabert

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X