Avignon - Jour 3 - Ultra moderne solitude

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"Les Particules élémentaires" et "Exhibit B"

Le buzz du festival n'est pas dans la cour d'honneur mais à quelques encablures d'Avignon, à Vedène, avec une adaptation improbable et inespérée du deuxième roman de Michel Houellebecq, qui contient tous les autres, Les Particules élémentaires. Aux manettes, un gamin de 26 ans, Julien Gosselin, pêche parfois par excès de jeunisme, comme si un micro et une séquence de coït à poil étaient les ingrédients indispensables d'un spectacle moderne. Passées ces quelques réserves, force est de constater que ce travail ne manque pas d'énergie. C'est toutefois quand on oublie le collectif (onze au plateau) et que le jeu comme le texte se resserrent sur un ou deux personnages, dans la deuxième partie de la pièce (sur près de quatre heures au total),  que ce travail trouve son point culminant. Par exemple dans cette magistrale et déchirante scène où Michel s'aperçoit, à quarante ans, qu'il est passé à côté de l'amour de sa vie, sa triste et désenchantée amie de collège. Gosselin parvient, sur un plateau nu, sans coulisses, avec des acteurs-musiciens en permanence en scène et une utilisation enfin judicieuse de la vidéo, à rendre l'abyssal individualisme que l'écrivain pointe du doigt, scrutant au plus près ce qui le travaille : la fin de l'être humain sous sa forme actuelle. On redécouvre du même coup la puissance de ce roman, dans lequel un scientifique reconnu et son demi-frère, glandeur professionnel, héritage raté du milieu hippie, passent leur vie à se louper et a ne pas ou mal aimer, oeuvre d'un auteur si majeur qu'on peine de plus en plus à croire qu'il soit encore boudé dans son pays - alors que le monde entier l'a depuis longtemps adoubé. Auteur que l'on a d'ailleurs souvent l'impression de voir en chair et en os, un coup singé par un des comédiens - parka grise et moumoutée, clope entre le majeur et l'annulaire -, un coup convoqué (avec Bertrand Burgalat) par le caractère éminement musical de l'adaptation.

Voilà en tout cas le genre de spectacle qu'on aime voir : une mise en scène au service d'un texte et où l'énergie n'est pas le seul moteur du spectacle, comme cela est parfois le cas chez Vincent Macaigne. De quoi calmer la colère qui nous a envahit au sortir de l'église des Célestins, où se jouait Exhibit B, du sud-africain Brett Bailey. Une performance assez flippante, qui par sa façon abjecte de figurer les humiliations et tortures subies par les noirs, de la Vénus hottentote aux immigrés illégaux planqués dans les avions, en dit long sur une époque où l'émotion semble régner sans partage.

Nadja Pobel 

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