L'exposition "Rendez-vous 13" réunit une vingtaine d'artistes de toutes nationalités proposant, pour certains, des œuvres passionnantes.Jean-Emmanuel Denave
Trois institutions, quatre commissaires, dix collaborateurs internationaux prestigieux... C'est sans doute beaucoup de monde pour dégoter vingt jeunes artistes internationaux et autant d'œuvres d'une qualité fort inégale. Mais au diable l'avarice ! Depuis que l'événement "Rendez-vous" s'est installé à l'Institut d'Art Contemporain, les accrochages y sont agréables et limpides, chaque artiste ou presque disposant d'une salle du musée. Que ces derniers viennent de Lyon, du Cap ou de Sidney, certains ont ostensiblement un poil dans la main et des grains de sable dans les neurones, ressassant le pire de ce que l'on caricature par l'expression "art contemporain" (et qui n'est rien d'autre que de la création pas finie). D'autres attirent l'attention, voire davantage. Et l'on remarque très vite que, globalement, il se dégage de leurs œuvres sculptées, filmées ou photographiées, une certaine "odeur de grisaille", de vie urbaine anxieuse, de béton qui (enfin ?) se fissure... Par exemple avec l'installation la plus visuelle de l'exposition, signée Nicolas Momein et composée d'immenses édicules recouverts de laine grise, s'inspirant d'éléments de l'espace public (cabines téléphoniques, abribus...).
Les Renards pâles
On retrouvera cet univers dans les photographies beaucoup moins ludiques de Karim Kal, saisissant, à la chambre et à grands coups de flash, des enceintes de prison, des surfaces taguées, des barres d'immeubles, des ouvertures murées... Un constat contemporain qui, chez d'autres artistes, peut provoquer deux types de réactions. Celle, mélancolique et solitaire, de la Brésilienne Paula Krause filmée dans la pénombre lugubre d'une cabane, flirtant avec les limites de la folie et de l'autodestruction (la vidéo est aussi inquiétante que touchante). Ou bien celle, plus dynamique et enragée, d'André Fortino (qui a dû bien regarder les actions filmées de Bruce Nauman dans son atelier) agissant masqué en cochon dans un hôpital désaffecté, ou bien se livrant à de curieuses performances dans des lieux incongrus : l'artiste tire des corps par les cheveux dans une friche, court absurdement sur le bas-côté d'une route, rugit au bord d'un lac de montagne...
Dans ces vidéos, la révolte gronde parmi les interstices interlopes de la ville, au sein même de ce que l'écrivain Yannick Haenel appelle, dans son dernier roman (Les Renards pâles), «l'intervalle». «Pas facile à décrire : une bouffée de joie, et en même temps une déchirure. Pas facile à supporter, non plus : une sorte d'immense souffle. Est-ce que ça étouffe, est-ce que ça délivre ? Les deux : c'est comme si vous tombiez dans un trou, et que ce trou vous portait».
Rendez-vous 13
A l'Institut d'Art Contemporain, jusqu'au 10 novembre