Musée / Cinq ans après le Procès Barbie qui s'est tenu à Lyon en 1987, le centre d'Histoire, de la Résistance et de la Déportation ouvrait. Le week-end des 15 et 16 octobre marque ses trente ans d'existence. Sa directrice Isabelle Doré-Rivé en dit la nécessité et l'avenir.
Comment se porte le CHRD ?
Isabelle Doré-Rivé : On a reçu 1, 6 million de visiteurs en trente ans, ce qui n'est pas mal sachant que nos espaces ne sont pas très grands. Notre thématique est un peu aride, mais ces sujets intéressent aujourd'hui, peut-être plus encore avec le contexte géopolitique. C'est toujours compliqué de décortiquer les motivations du public, mais on a des échanges, dans les salles ou via le livre d'or : ils font très facilement le parallèle entre la situation actuelle et l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il faut bien sûr éviter les anachronismes, mais cette guerre est une clé de compréhension du monde contemporain très importante, que ce soit pour la montée de l'extrême-droite en France ou la crise en Ukraine, notamment par les mots utilisés sur la notion de violence, de guerre, de paix.
Notre pic de fréquentation date de 2014 avec 85 000 visiteurs. Ça correspond à la commémoration des 70 ans de la Libération et à l'exposition S'habiller en temps de guerre et c'était peu de temps après l'inauguration du nouveau parcours permanent en 2012. De façon générale, il y a une vraie appétence du public pour les sujets très concrets. Celle sur l'Alimentation en temps de guerre avait aussi très bien marché.
Dans le parcours permanent, on entend Lucie Aubrac dire que le monde avait fait une erreur en sous-estimant Hitler, considéré alors comme un "sous-Mussolini". Giorgia Meloni vient d'accéder au pouvoir suprême en Italie et ne renie pas le fascisme mussolinien. Comment votre musée peut (ou ne pas) coller à une telle actualité immédiate ?
Il y a un symbole terrible : elle arrive au pouvoir pile un siècle après la Marche sur Rome de Mussolini. Mais oui, c'est compliqué à traiter car nous avons un rôle d'éducation au sens vraiment large et l'éducation n'est pas un vaccin qui garantit de tout. Convaincre des gens qui sont déjà convaincus des bienfaits de la démocratie est assez facile. Ceux qui, pour des raisons souvent économiques, se tournent vers les extrêmes n'ont pas forcément accès à notre discours. Mais on peut donner des armes à des citoyens (notamment les scolaires qui représentent un tiers à un quart du public) pour comprendre ce qui se passe et leur rappeler qu'ils ont un rôle à jouer.
Numériser les collections
Il y a eu le temps du souvenir, puis de la mémoire et désormais le temps de l'Histoire disiez-vous à la réouverture du parcours permanent en 2012...
Oui c'est encore plus vrai qu'il y a dix ans. On n'est plus du tout en lien avec les acteurs des faits, disparus. Mais on a accès à leurs archives au sens très large : photos, objets fabriqués dans des camps de prisonniers. Les quelque 700 témoignages audio dont nous disposons ont été numérisés en 2017, avec l'aide de l'INA.
Depuis trente ans, et surtout depuis dix ans, les collections du musée se sont ainsi largement accrues. On aimerait beaucoup les intégrer dans un nouveau parcours permanent, donner plus de place à ce qu'on a traité dans les expos temporaires (vie quotidienne, histoire des femmes...) mais ça pose la question de nos moyens financiers, quoique la Ville de Lyon, quels que soient les exécutifs, a toujours soutenu le CHRD qu'elle a créé en 1992 (NdlR : ère de Michel Noir) sur ses fonds propres. C'est quasiment notre seul financeur : 400 000€ de budget de fonctionnement (hors salaires et frais de bâtiment qui vont devenir exponentiels avec l'inflation).
La numérisation des collections est un enjeu des années qui viennent. On y a notamment travaillé pendant les mois de fermeture des confinements. Mais ce ne sera pas effectif avant 2023-2024.
CHRD
14 avenue Berthelot, Lyon 7e
Week-end des 30 ans les samedi 15 et dimanche 16 octobre : visites guidées, jeux... (gratuit)
Expositions en cours : Visages de la guerre jusqu'au 13 novembre et Les Enfants de la Résistance jusqu'au 4 décembre
Expo à venir : Madeleine Riffaut Résistante du 1er février au 4 juin 2023