Cinéaste et photographe américain mythique, le grand Jerry Schatzberg sera l'invité du «village de jour» du festival Lumière pour une exposition inédite où son regard singulier s'est porté sur... Lyon !Christophe Chabert
Jerry Schatzberg est devenu, au fil des années, un «ami» de l'Institut Lumière. Il faisait partie des cinéastes qui, cent ans jour pour jour après le premier film tourné par les Frères Lumière, en avaient joué un remake au même endroit, les Usines Lumière devenues entre temps Hangar du Premier film. Et on se souvient de son émotion quand il était venu assister à la projection de son chef-d'œuvre, 'L'Épouvantail' : il n'avait pas revu le film sur grand écran depuis sa sortie ! Schatzberg est une figure mythique du nouvel Hollywood dans les années 70, mais son parcours est assez singulier par rapport à ceux de Coppola, Scorsese ou De Palma. Avant de passer derrière la caméra avec ce triptyque fondamental composé de 'Portrait d'une enfant déchue', 'Panique à Needle Park' (le premier rôle d'Al Pacino) et 'L'Épouvantail' (Palme d'or à Cannes en 1971), il avait obtenu la reconnaissance pour son travail de photographe au cours des années 60. Schatzberg a immortalisé toute la contre-culture de la décennie à travers des portraits publiés dans les magazines les plus hypes de l'époque ('Vogue', 'Life' ou 'Esquire'). Une de ses photos de Bob Dylan va même passer à la postérité, puisqu'elle sera choisie pour illustrer la pochette de 'Blonde on Blonde' : le cliché, en couleur (alors que Schatzberg privilégie d'ordinaire le noir et blanc) et légèrement flou, montre un Dylan au naturel, sans masque et sans fard, loin de toute «pose». Comme pour contrebalancer ses images de stars, Schatzberg s'aventure aussi dans les rues pour y photographier des paysages et des inconnus, effectuant ainsi une radioscopie de son époque à travers ses faubourgs et ses marginaux — une idée que l'on retrouvera dans ses plus beaux films.
Lyon, année zéro
La présence de Schatzberg pour le premier festival Lumière paraissait évidente. Mais là où on l'attendait autour de la restauration de son premier film ('Portrait d'une enfant déchue'), c'est au contraire avec sa casquette de photographe qu'il fera partie des invités marquants de la manifestation. Au Village de jour (installé dans le parc de la Villa Lumière) du 9 au 18 octobre, une exposition inédite proposera de découvrir les photos prises par Schatzberg à... Lyon. Son regard est étonnant : qu'il photographie les docks industriels de la Sucrière ou les lignes pures des nouveaux quais du Rhône, il arrive à donner aux images un caractère intemporel, et même insituable. Chez lui, une inconnue attendant seule dans un décor désolé a la même candeur que Bertrand Tavernier pensif dans un salon de l'Hôtel de Ville. Schatzberg ne se contentera pas d'inaugurer cette exposition inattendue ; il en profitera aussi pour présenter quelques séances du festival. Lesquelles ?Réponse la semaine prochaine...